Par Fred Brigaud – Ultramag
Selon certains courants de pensée qui reposent leur réflexion sur l’analyse et l’interprétation soit des études scientifiques soit des habiletés motrices, il semblerait qu’une partie de l’humanité ne soit pas ou plus adaptée à une foulée avant-pied, limitant celle-ci à une attaque talon et l’obligeant à porter des chaussures comportant de l’amorti à ce niveau. Il y aurait alors deux types de mutants les premiers adaptés à l’attaque avant-pied et les seconds inadaptés ou seulement occasionnellement. Avec comme arguments pour faire cette distinction, le risque de blessure et la perte de performance si ce ‘’déterminisme’’ n’était pas respecté. Dans ce contexte, les habiletés traduiraient des limites de notre champ des possibles et suggèreraient de ce fait la technique de course pour laquelle nous serions mécaniquement adaptée ; sous entendant que le fait de se mettre à attaquer avant-pied alors que l’on attaquait talon serait contre ‘’nature’’. Mais qu’en est-il ? Les études et les habiletés sont-elles en mesure de déterminer qu’une frange de la population serait inapte biomécaniquement à produire une foulée avant-pied ?
De mon point de vue, les habiletés motrices, les préférences motrices, ou encore la signature posturale,… représentent notre façon de fonctionner à un instant t, c’est-à-dire le comportement au sens large de notre corps lors d’une tâche à réaliser (courir, marcher, sauter, bondir, se retourner…) et non l’étendue de notre champ des possibles. Les habiletés dans ce contexte sont l’expression d’un cheminement plus ou moins hasardeux au gré de nos apprentissages et de nos expériences passées. Avec le risque, sans action consciente pour réguler ce phénomène, de nous stéréotyper attiré et entrainé par nos points forts qui s’auto-renforcent, à l’image d’un servomécanisme s’auto emballant. Rappelons que gestes, corps et automatismes sont pris dans une boucle récursive où chaque élément interagit sur les autres, s’inter-modelant, et déterminant ce que nous sommes et ce que nous pouvons mettre en œuvre à un moment donné. Le tout est d’avoir conscience que ce phénomène n’est pas semblable à un cul sac dont nous ne pourrions nous extraire, ou encore d’un rail qu’il ne serait pas possible de quitter. Par ailleurs, nous ne cherchons pas à renforcer une voie mais davantage à développer une étendue.
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