TRAIL ET MINIMALISME AU MAROC DANS LE HAUT ATLAS

Frédéric Brigaud, Ultramag.fr, Mai 2015

RÉCIT – TRAIL | 26 KM DANS L’OUKAIMEDEN AU PRINTEMPS

AU PRINTEMPS, LE MASSIF DOMINANT LA STATION DE SKI D’OUKAIMEDEN AU MAROC SE PRÊTE ADMIRABLEMENT À LA PRATIQUE DU TRAIL : C’EST L’OCCASION POUR FRÉDÉRIC BRIGAUD DE COURIR 26 KM SUR DES SENTIERS TECHNIQUES EN MODE MINIMALISTE.

Fin avril début mai, il ne reste que quelques névés sur les sommets dominant Oukaimeden, une des principales stations de ski du Maroc. Située dans le Haut Atlas, à 77 km de Marrakech, les températures y oscillent de 15 à 24°C à 2600 mètres d’altitude. Des kilomètres de sentiers techniques n’attendent qu’un pied volontaire pour se laisser fouler. Cette station devient alors le point de départ d’un terrain de jeu idéal pour les coureurs en préparation de l’Ultra-Trail Atlas Toubkal (UTAT) de fin septembre. Mais pourquoi ne pas les découvrir autrement, plus lentement et en mode minimaliste ?

À peine arrivés, après avoir roulé depuis Casablanca toute la première partie de journée, il nous faut nous dégourdir les jambes. Nous chaussons nos zéro drop aux semelles souples et déformables et partons quelques heures arpenter les montagnes alentours à la recherche de points de vue. Nous sommes certains qu’au sommet de l’Oukaimeden (3263 m) il sera possible d’admirer le fond de la vallée d’Ikkis et les différents villages que nous souhaitons traverser le lendemain.

Arrivés au sommet, alors qu’une mer de nuages commence à prendre consistance, la vallée reste encore à découvert, livrant des contrastes saisissants : le blanc de la neige, une terre aride et rocailleuse et quelques taches verdoyantes entourant les différents villages. De là nous percevons sur notre gauche le col de Tizi n’ou Addi (2960 m) que nous franchirons demain pour rejoindre la vallée d’Ikkis. Ce court Trail de 25 km et de 1300 mètres de dénivelé promet des paysages variés.

Le temps pour nous de nous retourner, et la mer de nuages s’apprête déjà à recouvrir la station de l’Oukaimeden (2600 m). Le lieu est magique.

Après une nuit de sommeil, réveillés par le chant des oiseaux et l’odeur du thé à la menthe, nous partons parcourir nos 25 km sous un soleil radieux. Short et t-shirt sont de rigueur, il fait 21°C. L’herbe du plateau de la station est d’un vert éclatant, nourrie par de nombreuses sources à cette époque.

À tel point qu’après à peine 15 minutes je pose les pieds dans l’eau… Les chaussures sont trempées. Il est inutile d’utiliser les chaussettes de rechange car elles seraient à leur tour bien humides en deux temps trois mouvements… La seule solution : retirer les chaussettes et les semelles de propreté gorgées d’eau, essorer le tout, et les accrocher au sac. J’essore également les chaussures sans trop de difficulté puisqu’elles se tordent dans tous les sens. Mais je dois reconnaitre qu’il ne s’échappe pas beaucoup d’eau… Heureusement la toile est fine et aérée, cela devrait sécher rapidement. Reste à enfiler les chaussures pieds nus. Aucun frottement particulier, le pied ne devrait donc pas s’irriter. Après vingt minutes elles sont sèches. Par contre, les semelles de confort que j’ai à portée de nez libèrent quelques effluves qui me font penser au Larzac, allez savoir pourquoi. Nous poursuivons donc ainsi jusqu’au col.

La descente mêlant terre sèche, graviers et pierres, où il est utile de garder l’œil car les appuis peuvent devenir glissants, s’effectue sans problème, jusqu’à atteindre le fond de cette vallée étroite. Le premier village, Tacheddirt, s’ouvre à nous et il ne faut pas plus de 30 secondes pour que l’on nous propose de boire le thé.

D’un sentier sec et rocailleux nous voilà plongés dans la verdure au milieu de noyers et de cultures en terrasse. Se succèdent alors sur plusieurs kilomètres les différents villages de cette vallée : Ouanesekra, Tamguist, Tinerhourhine, Ikkis, jusqu’à Amskere qui signera le début de la remontée vers l’Oukaimeden. Le sentier en terre longe les flancs de la montagne sur lesquels s’étendent les villages, alternant entre des zones arides et verdoyantes.

Ici pas de réseau GSM, le temps s’écoule sur un autre rythme où Twitter et Facebook n’ont aucune emprise. Le terrain est roulant, sans difficultés particulières, si ce ne sont quelques poules, moutons et vaches qui peuvent surgir à la croisée d’un chemin et bloquer le passage un court instant. Nous quittons le dernier village Amskere pour remonter vers l’Ouka.

Après une première partie très aride où l’on chemine sur une terre rouge sans aucune végétation, apparaissent au loin les premiers thuyas au tronc tortueux. Le sentier est large, stable et uniforme. Le grip prend facilement. Arrivés sur un premier plateau, nous nous arrêtons une vingtaine de minutes pour profiter du lieu et du paysage à l’ombre d’un thuya.

À la reprise, plusieurs courts plateaux se succèdent sur un sentier davantage technique alternant terre et rocaille. Le paysage nous surprend par ses couleurs, mêlant rouge, jaune et gris piqué de taches vertes. Puis le dénivelé augmente de nouveau sur un sentier encore plus technique essentiellement composé de roches. La prise d’appui ne doit pas faire défaut, à l’image d’un ruisseau que l’on traverse de pierre en pierre, seule une attaque avant-pied permet de développer un maximum de stabilité. Pieds nus en bord de mer, arpentant les rochers, vous avez probablement déjà ressenti l’avant-pied épouser la surface du rocher, l’arche antérieure du pied se creusant ou s’aplatissant, obtenant ainsi un grip incomparable. Un grip dont on s’approche avec des chaussures réellement minimalistes, lorsque la semelle suffisamment souple est à même de se bomber ou de se creuser au gré de la surface. La prise d’appui devient alors un jeu. Au loin, après l’ultime bosquet de thuyas, sur notre gauche apparait le dernier col à franchir. Un pierrier traversé par un sentier étroit doit nous y conduire.

Une fois le col franchi, reste à redescendre jusqu’à la station et la boucle sera bouclée. Sans ampoules ou autres irritations. Durant cette dernière montée nous aurons eu comme spectatrices de nombreuses petites chèvres aux longs poils, plus rapides et agiles que nous, et aptes à bondir de rocher en rocher sans difficulté apparente. Tout comme nous : la course à pied en mode minimaliste oblige à produire des appuis plus subtils, elle permet également de percevoir davantage la souplesse ou la dureté du sol, pour plus d’interactivité avec le milieu. Une autre façon d’aborder ce court trail.

Pour aller plus loin
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