Faut-il corriger un pied pronateur ?

La victoire de Joshua Cheptegei, athlète spécialiste des courses de fond et recordman du 10000m en 2020, qui présente des pieds ‘’pronateurs’’, peut nous amener à nous interroger sur l’utilité ou non d’améliorer la statique et la dynamique des pieds.

Une mécanique défaillante

Un pied dynamique dépend du contrôle du mouvement de flexion/extension de la cheville mais également de notre capacité à canaliser ce mouvement. Plus le pied reste dans l’axe de la jambe, plus le rebond est efficace. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la canalisation du mouvement ne dépend pas de la cheville mais des articulations sous-jacentes ; l’articulation sous-talienne, l’Interligne Articulaire de Chopart (IAC) et l’Interligne Articulaire de Torsion (IAT). Chez Joshua, ces différentes articulations ne sont pas maintenues, ses pieds ne sont ni gainés ni équilibrés. Certains pourraient y voir un mécanisme d’amortissement à l’image de la cheville qui fléchit lors de la prise d’appui pour amortir une partie de la force de réaction au sol. Cependant dans son cas, durant la phase d’appui, le pied s’écrase sans jamais revenir à son point d’équilibre. Les muscles qui contrôlent les différentes articulations précédemment citées sont inopérants, ils n’emmagasinent pas l’énergie mécanique et ne se contractent pas. Au lieu d’exercer une poussée sur une structure solide, élastique, c’est-à-dire un pied dont l’architecture est maintenue et réactive, celle-ci s’exerce sur une structure molle faiblement réactive.

Continuer la lecture de « Faut-il corriger un pied pronateur ? »

Pas de concentration, pas de progression en escalade

Viktor et Alexandre, trentenaires, pratiquent l’escalade en falaise depuis deux ans. Confinement oblige, ils ont été contraints de stopper cette activité, voir même toute activité physique. En ce beau jour de printemps, un semblant de liberté retrouvé, les voilà partis en direction d’un site d’escalade. Ils savent que la reprise va être difficile physiquement, techniquement, et mentalement. Avant cette phase d’arrêt, ils grimpaient dans le 6. Bien sûr, tout n’était pas parfait mais ils se faisaient plaisir. Leurs principales lacunes à tous les deux restent la concentration et la gestion de leur mental. Et c’est d’ailleurs le sujet de leur discussion sur le sentier qui les mène aux pieds des voies. Durant le confinement Alexandre a visionné le film Free Solo,et relate à son ami ce que Honnold déclare dans ce film. « Le plus gros challenge, c’est de contrôler son esprit. Si vous êtes incapable de contrôler votre peur, vous essayez de la contourner. Quand les gens parlent de supprimer cette peur, je regarde les choses différemment. J’essaye d’augmenter la taille de ma zone de confort en pratiquant les mouvements nécessaires encore et encore. Je travaille à travers ma peur jusqu’à ce qu’elle disparaisse ».

Continuer la lecture de « Pas de concentration, pas de progression en escalade »

Ces usures qui en disent tant sur notre foulée !

Nombre de coureurs passant à une foulée avant-pied usent fortement le bord antéro-externe de leur chaussure de running sans forcément savoir si c’est adapté ou non, et s’il est possible d’agir ? Un tel défaut technique génère des instabilités, sollicite excessivement le système musculaire stabilisateur ainsi que le bord externe du pied, avec un risque de fracture de fatigue à ce niveau.

Le comment du pourquoi

Quelle que soit la technique de prise d’appui lors de la marche ou de la course, le principal releveur du pied qui n’est autre que le muscle tibial antérieur s’actionne. En raison de son insertion sur le bord interne du pied, au niveau de la première colonne (premier cunéiforme et base du premier métatarsien), la flexion de la cheville s’accompagne d’une légère inversion du pied. Le pied se réaxe par rapport au tibia, voire s’inverse (la pointe de pied s’oriente vers l’intérieur) en fonction de l’équilibre entre les muscles inverseurs (tibial antérieur et postérieur) et éverseurs (court et long fibulaire). Cette combinaison de mouvements, flexion de la cheville et inversion du pied (mouvement qui s’effectue au sein de l’articulation talo-calcanéo-naviculaire), a pour conséquence de présenter chez le marcheur ou le coureur talon possédant une foulée dite universelle (c’est-à-dire un pied équilibré, ni pronateur, ni supinateur) le quadrant postéro-externe du talon lors de la prise d’appui.

Continuer la lecture de « Ces usures qui en disent tant sur notre foulée ! »

L’amorti, facteur déclenchant de l’essuie-glace ?

Retour sur un cas en plein confinement

Marc*, la quarantaine, court avec une foulée avant-pied dite naturelle, et des chaussures de type barefoot (sans drop, sans amorti, respectant l’anatomie et la biomécanique du pied) depuis plus de dix ans, à raison de trois à quatre sorties par semaine, d’une durée moyenne de 40 minutes par sortie, alternant routes et chemins. Ne pouvant courir en extérieur durant cette période de confinement en raison des mesures sanitaires prises par le pays dans lequel il vit, il se met à utiliser de façon régulière un tapis de course dont il ne se servait que très rarement, trois à quatre fois dans l’année lorsqu’il pleuvait, et encore.

Le grain de sable

Cinq séances de course sur le tapis seulement ont suffi pour qu’une douleur apparaisse à la face externe de son genou droit, lui rappelant un syndrome de l’essuie-glace dont il avait souffert des années auparavant alors qu’il essayait des chaussures un peu plus épaisse qu’un magasin de sport lui avait proposé de tester. A cette époque, la douleur avait progressivement disparu en reprenant ses autres chaussures nettement plus fines, de type barefoot. Il n’a jamais su avec certitude si les chaussures plus épaisses avaient été à l’origine de cette symptomatologie, d’autant qu’il avait chuté peu de temps auparavant dans un pierrier et que son genou droit était brutalement parti en hyperflexion.

Continuer la lecture de « L’amorti, facteur déclenchant de l’essuie-glace ? »

La visualisation, facteur de progression en escalade !

L’intérêt des techniques de préparation mentale n’est plus à démontrer, et ce dans de nombreux domaines de notre vie. Alors pourquoi s’en priver ? Pourquoi réserver ces techniques, ô combien utiles, à une seule élite et ne pas en faire bénéficier le plus grand nombre.

Prendre le problème à l’envers

Que les grimpeurs soient amateurs ou professionnels, qu’ils souhaitent atteindre le haut niveau ou non, ils ont tous un objectif commun, progresser. Cependant pour la plupart des grimpeurs amateurs, progresser signifie en premier lieu augmenter ses capacités physiques – faire plus de tractions, plus d’abdos, plus de travail sur pan de Gullich ou sur poutre – pour développer force et résistance. Arrive seulement ensuite la notion de technique. On peut souligner déjà le paralogisme de cette démarche car tous les pros de la grimpe vous affirmeront que la première chose à faire pour progresser est de perfectionner sa technique. Il faut apprendre et perfectionner les différents mouvements d’escalade tels la lolotte, le drapeau, le derviche… ou encore travailler sa pose de pied, développer sa coordination…

Continuer la lecture de « La visualisation, facteur de progression en escalade ! »

Foulée et bras de levier. Pourquoi se priver de ce dont nous sommes dotés ?

En ces premiers jours de printemps, elle parcourt la nature qui s’éveille. Les foulées se succèdent à un rythme régulier. L’air frais et vivifiant du matin s’écoule le long de sa musculature saillante et la galvanise. Elle accélère soudainement, donnant l’impression de voler au dessus du sol. Ses mouvements sont fluides, harmonieux et équilibrés. Chaque appui est maitrisé et déroule parfaitement ; amorti, soutien, propulsion se succèdent à cadence élevée. Elle n’est pas seule, suivie par sa harde qui galope avec elle au milieu de la steppe mongole.

Amortir

Si nous avons tous déjà vu galoper un cheval, nous n’avons pas forcément observé la façon dont il amortit les contraintes à chaque foulée. L’ensemble des mammifères, qu’ils soient digitigrades (marchant et reposant sur leurs doigts – chat, chien, guépard,…) ou onguligrades (marchant sur un ou plusieurs sabots – cheval, rhinocéros,…), amortissent la force de réaction au sol à chaque foulée grâce à un système de bras de levier qui constitue leurs membres antérieurs et postérieurs. Cette biomécanique du cheval pourrait-elle nous apprendre quelque chose sur la façon d’employer nos propres jambes lorsque nous courons ?

Continuer la lecture de « Foulée et bras de levier. Pourquoi se priver de ce dont nous sommes dotés ? »

Performer ou progresser ! – Ondra vs Honnold

 ‘’Le Free Solo c’est comme viser un exploit athlétique pour remporter la médaille d’or olympique, sauf que si on n’y parvient pas on meurt’’ explique Tommy Caldwell dans le reportage qui retrace l’ascension d’El Capitan par Alex Honnold. Certains voient en Alex Honnold un inconscient, voire un suicidaire, tandis que d’autres le voient comme quelqu’un de très réfléchi. Si une telle ascension nous semble totalement démesurée, c’est surtout parce que nous évaluons sa faisabilité à travers nos propres capacités, nos propres peurs ; ce qui est une erreur de point de vue, sauf si nous souhaitons déterminer le gap physique, technique et mental qui nous sépare d’une telle maitrise. Jean d’Ormesson aurait peut-être dit d’Honnold qu’il est optimiste puisque selon lui ‘’L’optimiste c’est celui qui fait ses mots croisés au stylo’’. Mais cette définition ne convient pas non plus.

Continuer la lecture de « Performer ou progresser ! – Ondra vs Honnold »

Adam Ondra, ses défauts de posture ou la robustesse d’un corps

Etre le meilleur ne veut pas dire être à son meilleur potentiel. Le corps d’Adam Ondra comporte de multiples déséquilibres et asymétries, dont deux pieds dits ‘’plats pronateurs’’ comme nous pouvons l’observer dans la vidéo intitulée ‘’Road to Tokyo #38 – What is the best body type for Climbing’’ alors qu’il est en short, le torse et les pieds nus. Des déséquilibres que nous retrouvons lorsqu’il grimpe mettant en exergue, par ailleurs, la robustesse du corps en général, c’est-à-dire la capacité du corps à mener une action alors que plusieurs ressources biomécaniques ne sont pas aux meilleures de leur potentiel, voire font défaut.

Continuer la lecture de « Adam Ondra, ses défauts de posture ou la robustesse d’un corps »

Adam Ondra, the defects in his posture or the strength of his body – Flatfeet

Being the best does not mean being at your best. The body of Adam Ondra has multiple imbalances and asymmetries, including two feet said  »pronator flat » as we can see in the video  »Road to Tokyo # 38 – What is the Best Body Type for Climbing », when he appears in shorts, bare torso and bare feet. These imbalances, which are also visible when he climbs, stress the general robustness of his body, that is, its ability to act while several biomechanical resources are not at the best of their potential, or even lacking.

Continuer la lecture de « Adam Ondra, the defects in his posture or the strength of his body – Flatfeet »

Le Trail, c’est le pied – Entretien Nature Trail magazine

Questions (Pauline Waag) et réponses (Fred Brigaud)
Le fait d’être pronateur, supinateur, ou neutre influence forcément notre biomécanique et posture de manière générale ?

Le fait d’être pronateur ou supinateur modifie l’orchestration de la jambe et nos appuis. Cela nous éloigne d’une posture économique et stable, limite notre aisance et génère des zones d’hyperpression et d’hypertension au sein des pieds et du reste du corps. Pour simplifier, un pied pronateur ou supinateur est un défaut d’orientation du pied par rapport à la jambe et/ou de maintien de cette orientation en appui. Notez que l’orientation du pied détermine sa forme (arche interne plate ou creuse) et sa musculature. Dès lors, pour sortir de ce schéma et tendre vers davantage d’équilibre et d’économie, il faut entreprendre un travail technique sur le déroulé du geste et l’orientation des segments. Un travail technique semblable à celui qu’entreprend un tennisman pour corriger un défaut d’orientation du poignet par exemple. Il n’utilisera pas d’orthèse pour maintenir celui-ci mais travaillera sur sa gestuelle.

Les pieds ne sont qu’un morceau de la chaîne; il est nécessaire d’explorer le corps dans son ensemble pour mieux comprendre les interactions entre les différentes parties.

Continuer la lecture de « Le Trail, c’est le pied – Entretien Nature Trail magazine »