Du footing à l’Ultra-trail en changeant de foulée

Entretien avec Clémence Leroy, kinésithérapeute, 28 ans.

Durant les années lycée, Clémence avait une préférence pour les sports de raquette, dont le tennis, qui lui a valu d’être opérée à l’âge de 17 ans d’une lésion du ménisque interne du genou droit. ‘’J’ai subi une arthroscopie pour aspirer les morceaux qui gênaient l’articulation sans qu’il soit nécessaire de le suturer. Après trois mois de rééducation (2012), j’ai repris plaisir à courir. C’est à ce moment, durant la rééducation, que j’ai découvert le métier de kinésithérapeute et que j’ai eu envie de le pratiquer. Rien n’arrive par hasard !’’. Par ailleurs, durant sa deuxième année d’étude de Kiné en Belgique, où le sport est enseigné et pratiqué, elle courait en moyenne deux à trois heures par semaine en deux ou trois sorties, moitié bitume, moitié forêt.

Courir pour aller plus loin

’Une fois installée à La Réunion, je randonnais, mais cela n’allait pas assez vite. Il y avait trop de belles choses à voir ! Une amie m’a dit ‘’essaye le Trail, j’ai un super club’’. J’ai essayé et ça a été une belle révélation.’’ Le passage de la randonnée au Trail s’est fait naturellement ‘’car j’aimais par essence la course à pied. Le fait d’être en pleine nature et de courir sur un sol plus souple, plus agréable sous le pied, moins dur. En pleine nature, c’est l’éclate, car il y a le changement de dénivelé, le changement de paysage, et surtout, à la Réunion, avec tout ce qu’il y a à faire et à découvrir ! Cela me permettait de mieux visualiser l’île, mieux me repérer.’’

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Revenir à la course à pied après une rupture du LCA

« J’ai pratiqué plusieurs sports dont le handball pendant 17 ans en compétition. Ces années ont généré quelques blessures dont de multiples entorses de cheville avec un arrachement ligamentaire et deux ruptures consécutives du ligament croisé antérieur du genou gauche opéré avec ménisectomie partielle du ménisque médial. » Nous explique Stéphanie Munier, Masseur-kinésithérapeute et Ostéopathe.  »L’arrêt de ma carrière sportive a été motivé principalement en raison des douleurs et des blessures. Les diverses chirurgies ont entraîné une perte de force musculaire globale, surtout de la cuisse gauche. J’ai rapidement cessé la course qui devenait douloureuse sur le plan articulaire et qui me donnait de nombreuses crampes aux mollets… »

Adapter sa progression en fonction de ses possibilités

« J’ai suivi le premier séminaire [de formation EAD avec Fred], étant enceinte de plus de six mois, et j’ai pu effectuer tous les exercices proposés dont la course avant-pied et pieds nus. Malgré le poids de la grossesse, je n’ai ressenti aucune douleur du genou gauche sur ces jours de formation… Je me suis servie de ma reprise sportive post-partum pour pratiquer la course avant-pied. Malgré les recommandations concernant une reprise progressive de ce travail de course, j’ai voulu aller plus vite et j’ai eu beaucoup de douleurs musculaires, type contractures au mollet gauche et à la voûte plantaire, jusqu’à ne plus pouvoir marcher le matin au réveil. Je me suis également rendue compte de mon déficit musculaire côté gauche. J’ai dû arrêter et reprendre beaucoup plus lentement, alternant renforcement musculaire (quadriceps, ischio-jambiers, mollets) et course durant un an et demi… Il faut vraiment prendre le temps, y aller lentement, et ne pas changer de technique de course et de chaussures (chaussures minimalistes) en même temps. Pour moi, ce n’était pas possible de faire les deux en même temps, la charge était trop importante. »

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L’amorti, facteur déclenchant de l’essuie-glace ?

Retour sur un cas en plein confinement

Marc*, la quarantaine, court avec une foulée avant-pied dite naturelle, et des chaussures de type barefoot (sans drop, sans amorti, respectant l’anatomie et la biomécanique du pied) depuis plus de dix ans, à raison de trois à quatre sorties par semaine, d’une durée moyenne de 40 minutes par sortie, alternant routes et chemins. Ne pouvant courir en extérieur durant cette période de confinement en raison des mesures sanitaires prises par le pays dans lequel il vit, il se met à utiliser de façon régulière un tapis de course dont il ne se servait que très rarement, trois à quatre fois dans l’année lorsqu’il pleuvait, et encore.

Le grain de sable

Cinq séances de course sur le tapis seulement ont suffi pour qu’une douleur apparaisse à la face externe de son genou droit, lui rappelant un syndrome de l’essuie-glace dont il avait souffert des années auparavant alors qu’il essayait des chaussures un peu plus épaisse qu’un magasin de sport lui avait proposé de tester. A cette époque, la douleur avait progressivement disparu en reprenant ses autres chaussures nettement plus fines, de type barefoot. Il n’a jamais su avec certitude si les chaussures plus épaisses avaient été à l’origine de cette symptomatologie, d’autant qu’il avait chuté peu de temps auparavant dans un pierrier et que son genou droit était brutalement parti en hyperflexion.

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Résurrection, revenir à la course à pied après une hernie discale

Entretien avec François Baillieux, marathonien, triathlète et Traileur amateur.

’Une douleur me vrille le bas du dos quelques minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée du Marathon de Bruxelles, et perdure plusieurs semaines en raison d’une hernie discale qui sera révélée au scanner. Une hernie qui est apparue ‘’soudainement’’, sans notion de choc direct, alors que je ne présente aucun antécédent médical de ce type, ni eu de traumatisme par le passé à ce niveau. Il émerge de cela une totale incompréhension. D’autant, qu’après plusieurs mois, je me demande si je pourrais courir à nouveau car quelques foulées suffisent à me clouer sur place’’, nous explique François.

15 ans auparavant

Il se prend de passion pour la course à pied à l’âge de 18 ans, alors qu’il se trouve en terminale à la Silver Regional High School aux Etats-Unis. Il y pratique le 800m, une discipline qu’il poursuit une fois rentré en Belgique en 1998 pour étudier la kinésithérapie. Depuis lors il n’a jamais arrêté de courir.

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Les TMS du coureur, pour une approche multifactorielle de la pathologie

© Fred Brigaud – Fev 2019 

Dans le cadre des blessures de l’appareil locomoteur  chez le coureur à pied (muscles, tendons, ligaments, os, cartilage,…) qui apparaissent au fil des sorties sans notion de choc direct et qui sont le résultat d’une pratique, d’un entrainement, d’une gestuelle ou encore d’un terrain inadaptés, l’approche thérapeutique actuelle est incomplète car elle se borne trop souvent à traiter la pathologie pour ce qu’elle est, occultant le reste.

Ce type de blessure devrait être classé dans le registre des TMS (troubles musculo-squelettiques) et considéré comme tel. Une notion apparue dans le monde du travail où il est devenu évident qu’un geste technique répétitif inadapté est source de pathologie, et que la thérapeutique seule, c’est-à-dire le traitement des maladies, ne suffit pas à la résoudre. L’Etat promeut cette approche en raison du coût des arrêts de travail et de l’impact sur la productivité comme le résume si bien ces deux slogans ‘’Quand un travailleur souffre, toute l’entreprise est touchée’’[1], ‘’Les TMS coûtent chers à l’entreprise[2]’’. Une source de motivation logique dans un monde marchand déshumanisé où l’homme se résume à un rendement et un coût.

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Syndrome de l’essuie-glace et déficits posturo-dynamiques, le couple maudit

Fred Brigaud – Ultramag

Le syndrome de l’essuie-glace se traduit par l’apparition d’une douleur au niveau de la bandelette ilio-tibiale (Tenseur du Fascia Lata), compartiment externe du genou. Un syndrome qui ne concerne pas seulement le coureur à pied mais qui touche de nombreuses disciplines sportives comme nous l’évoquerons. On impute généralement l’apparition de ce syndrome à une augmentation trop rapide du volume d’entrainement, à l’utilisation de chaussures inadaptées ou usagées,… ou encore à un changement de type de terrain. Un syndrome aux causes multiples, dont les déficits posturo-dynamiques, que nous proposons d’analyser ici.

Une question de tension

En position debout  l’intensité avec laquelle les tensions parcourent la jambe, et notamment la bandelette ilio-tibiale, varie en fonction de la posture que l’on adopte ; plus précisément en fonction de l’orientation des différents segments[1] qui composent la jambe en appui, tant en statique qu’en dynamique. Phénomène qui provient d’un défaut technique[2] de prise et de conduite d’appui, et d’une absence de neutralité du pied et de la jambe qui se sont automatisés.

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411 jours pour récupérer d’une rupture complète de l’aponévrose plantaire et courir le marathon de Paris en 3h31’57’’

Lors du salon du running de Paris de 2016, Stéphane m’annonce qu’il s’est rompu totalement l’aponévrose plantaire ; il se déplace alors avec des béquilles, le pied droit dans une botte. Cela ne semble pas l’affecter outre mesure, son seul regret étant de ne pas pouvoir courir le marathon qui a lieu le lendemain… Une année s’écoule, nous sommes le 8 avril 2017. Alors que le salon du running bat son plein, Stéphane vient à ma rencontre avec un large sourire, mais cette fois-ci sans béquilles ni botte. Il prévoit de courir le marathon pour le plaisir et le parcourra en 3h31’57’’. Mais qu’a-t-il entrepris durant plus d’une année pour courir de nouveau un marathon après une telle blessure ? C’est autour d’un café à Sanary trois mois après le marathon, alors qu’il court comme avant, voire mieux, que nous nous retrouvons pour retracer ce long parcours, ses 411 jours !

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63 jours pour revenir à la compétition après une fracture du pied – Germain Grangier

Ultramag – Fred Brigaud

Le 24 mars 2017, en fin de journée, Germain Grangier, coureur Trail du Team Inov-8 France, se fracture le troisième métatarsien du pied droit alors qu’il dispensait des conseils techniques en descente au cours d’un camp Trail Organicoach qu’il organisait avec un ami. ‘’Je commençais à descendre en disant aux coureurs de m’emboiter le pas, et en me retournant pour voir s’ils me suivaient, je pose le pied sur une pierre tranchante alors que j’arrivais avec une certaine rigidité dans la jambe’’ nous raconte-t-il. Instantanément, après cette pose de pied très brutale, il lui fut impossible de reprendre appui… La radio révèlera une facture sans déplacement. Rétrospectivement, il pense que cette blessure n’est pas seulement due à la pierre, ‘’trop de fatigue, du stress, une nouvelle vie, cela a perturbé l’équilibre que j’avais avant’’, d’autant qu’il ne s’était pas économisé physiquement durant ce camp Trail. Une blessure qui pousse à davantage de clairvoyance, confie-t-il.

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Reprendre possession de son corps et le préserver dans la pratique du Trail – Hernie discale et course à pied

Ultramag – Fred Brigaud

Du jour au lendemain

En novembre 2011, après avoir enchaîné plusieurs longs Trails dont le Solukhumbu au Népal organisé par Dawa Sherpa, effectué un déménagement, et transporté quotidiennement des cartons dans le cadre de son travail comme responsable d’un rayon de chaussures Trail, est apparue une hernie discale paralysante au niveau de la région lombaire (L2/L3). Cette altération irréversible du disque intervertébral due à cette succession d’efforts et de contraintes mal gérés, comme il nous l’indique, a entraîné une perte de la sensibilité et du contrôle moteur de la jambe droite. ‘’A ce moment là, je n’avais pas d’autre choix que de me faire opérer’’ afin de libérer le nerf comprimé nous explique Jean-Marie. Il s’en est suivi une période de rééducation pour réapprendre à marcher et renforcer la musculature qui avait fondu. ‘’Je n’avais qu’une idée en tête, retrouver la mobilité et le contrôle de la jambe ! J’étais dans l’impossibilité de produire certains mouvements au point que je devais soulever ma jambe à l’aide de mes mains pour monter les escaliers, mes muscles ne pouvant plus le faire.’’

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Comment réagit face à une fracture de fatigue lorsque l’on est marathonien ?

Par Frédéric Brigaud.

La course pour beaucoup de personnes se résume à prendre ses baskets et à suivre un plan d’entraînement. Au fil des mois et des années le niveau progresse, la durée et les distances s’allongent et l’entraînement s’intensifie. Jusqu’au moment où le surentraînement, ou encore des parcours plus exigeants physiquement, combinés à des défauts techniques ou de posture qui s’exacerbent avec la fatigue ou l’augmentation des contraintes, font apparaître des pathologies au sein de l’architecture pouvant aller de la simple tendinopathie à la fracture de fatigue en passant par les périostites.

La course à pied sur route est le sport par excellence qui requière le moins de technicité pour être pratiqué. De fait, la marge d’erreur et d’approximation permise dans la construction du geste est très grande. Elle permet ainsi de courir « n’importe comment » tout en donnant l’impression de performer, d’autant que le corps est à même de compenser ou pallier, dans une certaine mesure, de nombreux défauts. Cependant, comme nous l’évoquions précédemment, il suffit que les contraintes augmentent pour que les défauts s’exacerbent, surchargent davantage certains secteurs et déclenchent l’apparition d’une pathologie.
Rencontre avec Siham et son époux Omar au cœur de Casablanca, tous deux marathoniens amateurs, quelques jours après le marathon de Frankfort.

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