Semelle, chausson thermoformé et chaussure de ski, un cocktail détonnant !

Extrait | Magazine AFESA printemps 2021 n°117 – Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est utile de contextualiser la réflexion. En décembre 2020 cela faisait 12 ans que j’avais arrêté de pratiquer le ski alpin et 28 ans que je n’avais pas rechaussé de skis de rando, plus précisément depuis le service militaire où j’officiais comme chasseur alpin. Entre temps, j’ai pratiqué la course à pied, pieds nus ou chaussé de chaussures totalement souples, au cours de laquelle la biomécanique du pied s’exprime pleinement. Ainsi, durant toutes ces années, mes pieds et mon ressenti corporel ont beaucoup évolué tout comme le matériel de ski de randonnée qui a gagné en légèreté, tant au niveau des skis que des fixations et des chaussures. Cependant, certains paramètres inhérents à la biomécanique du pied ne sont toujours pas pris en compte dans la conception des chaussures ou le bootfitting. Cela génère localement des zones de frottement irritant les pieds ou les malléoles, et à distance des tensions au sein des genoux ou des hanches selon la morphologie et la posture de chacun.

Un mouvement dans les trois plans de l’espace

Lorsque nous regardons l’empreinte de notre pied nu dans le sable, nous avons l’impression qu’il ne change pas de forme et qu’il ne possède, dans le plan horizontal, qu’un unique axe passant par le talon et le second orteil. Cependant, lorsque nous décollons légèrement le talon du sol afin de nous retrouver en appui avant-pied (en appui sur l’arche antérieure), et que nous orientons notre genou vers l’extérieur puis vers l’intérieur en effectuant une rotation externe puis interne de hanche, nous remarquons que le talon se déplace simultanément vers l’intérieur puis vers l’extérieur, entrainé par la jambe, sans que l’avant-pied ne pivote. Le déplacement latéral du talon s’effectue indépendamment de l’avant-pied en appui au sol, essentiellement grâce à l’Interligne Articulaire de Torsion (IAT, fig.1) et la mobilité des métatarsiens. À tout moment lors de cet exercice, si nous reposons le pied au sol, la forme de l’empreinte de notre pied dans le sable aura changé. Mais pas seulement, car l’orientation du genou dans le plan horizontal et l’inclinaison latérale de la jambe par rapport au sol seront également différentes de la position de départ. Cette indépendance entre l’avant-pied et le reste du pied met en évidence deux axes supplémentaires dans le plan horizontal ; un axe pour l’avant-pied et un axe pour l’arrière-pied (fig.2).

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Quand le degré de torsion de la chaussure n’est pas neutre

En raison de sa rigidité, la chaussure de ski bloque totalement ce mouvement et impose, selon les modèles, un degré de torsion différent qui, comme nous allons le voir, ne correspond pas forcément à une statique optimale du pied dans la pratique du ski alpin. Faisons un détour par les chaussures de running pour comprendre cette problématique. Lorsque nous observons la forme des chaussures de running et que nous reportons sur leur semelle l’axe horizontal qu’elle impose à l’ensemble médio-pied/arrière-pied et à l’avant-pied[1], nous remarquons que l’angulation varie selon le modèle. Pour simplifier la réflexion, nous considèrerons seulement trois possibilités : une chaussure en torsion, une chaussure neutre et une chaussure en détorsion (fig.3). En aparté, ce mécanisme n’a strictement rien à voir avec les chaussures Adidas Torsion qui ne tiennent pas compte du mouvement de torsion du pied en appui mais du mouvement de torsion du pied en l’air qui est très différent. Rappelons qu’en l’air, dans un mouvement de torsion, l’avant-pied se mobilise par rapport à l’ensemble arrière-pied/médio-pied et inversement en appui…

fig.3

Quand le degré de torsion de la chaussure n’est pas neutre | Canting et sabot | Quand notre statique et notre dynamique se confrontent à celles imposées par la chaussure | Semelles et chaussons thermoformés | Prendre le contrôle | Un pied cela s’éduque ! | Développer un pied fort en 6 étapes

Que retenir
  • Le pied n’est pas un bloc rigide.
  • La qualité d’un appui dépend du contrôle de la mobilité interne au pied.
  • La partie antérieure du pied est une interface qui assure la jonction entre le sol et le reste de la jambe, arrière-pied inclus.
  • La qualité de la musculature de nos pieds et leur adaptabilité dépendent des chaussures que l’on porte au quotidien mais aussi dans nos pratiques sportives.

[1] Attention, si nous dessinons les axes sur les semelles des chaussures, nous prenons en considération ceux imposés par l’intérieur de la chaussure.

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