Pourquoi modifier sa foulée ?

Par Frédéric Brigaud
Joggeur Magazine #19 – Mai Juin 2016

LA FOULÉE D’UN COUREUR KENYAN SE DISTINGUE PAR SON ATTAQUE DITE « AVANT-PIED », AU CONTRAIRE DE LA PLUPART DES OCCIDENTAUX QUI ATTAQUENT PAR LE TALON. Y A-T-IL UN INTÉRÊT À MODIFIER NOTRE FOULÉE POUR SE RAPPROCHER DE CEUX QUI GAGNENT DES MARATHONS ?

TU COURS TALON OU AVANT-PIED ? 

Une question qui nécessite souvent un temps de réflexion. Faites le test autour de vous pour vous en rendre compte, la réponse ne vient pas aussi spontanément qu’il pourrait sembler car beaucoup de coureurs ne savent pas quel type de foulée ils emploient. Ils chaussent leurs baskets et partent courir tout simplement, se souciant peu du reste. Pourtant, selon la technique utilisée, on gère différemment les contraintes liées à la pratique de la course à pied, à commencer par la force de réaction au sol. Quelques bonds sur place, pieds nus, qui s’effectuent spontanément sur l’avant-pied, permettent de ressentir très facilement qu’une telle prise d’appui nous assure une meilleure gestion de l’impact qu’une prise d’appui talon. À tel point que le simple fait d’imaginer se réceptionner sur les talons nous crispe, de peur d’avoir mal en raison de l’onde de choc douloureuse que cela produit, nous faisant atterrir brutalement sur le sol sans aucune maîtrise ou alors requérant une gestuelle très coûteuse énergétiquement et peu efficace (https://youtu.be/wkmAdoZQaAY).

Ainsi, en changeant de technique de prise d’appui, on est en mesure de faire disparaître comme par magie cette onde de choc. Il suffit de regarder ces deux vidéos (ou les photos qui illustrent cet article !) pour comprendre de quoi il en retourne. Observez sur la première vidéo, attaque talon (https://youtu.be/SPP7jFiTocQ), la présence de cette onde de choc qui se propage dans l’ensemble du corps à chaque foulée depuis les pieds jusqu’aux cervicales, alors que dans la seconde vidéo, attaque avant-pied (https://youtu.be/TjrEyfQC5NQ ), elle n’apparaît pas et laisse place uniquement à un amortissement régulé de la force de réaction au sol. Phénomène que vous pouvez reproduire grâce au précédent test, lorsque vous bondissez sur place avec une réception sur le talon puis sur l’avant-pied. Vous comprendrez donc aisément que, selon la technique de prise d’appui employée, on gère plus ou moins efficacement les contraintes liées à la pratique de la course à pied. Car oui, courir a son lot de contraintes.

Au-delà de l’amortissement, le dynamisme des appuis dépend de la puissance des mollets (force et vitesse de contraction). Dès lors, passer à une prise d’appui avant-pied permet de développer une foulée plus puissante en ajoutant dès la prise d’appui un groupe musculaire supplémentaire, le mollet. Un groupe musculaire que l’on étire lors de la phase d’amortissement, tel un ressort, et qui restitue la force ainsi emmagasinée lors de la propulsion. Que rêver de plus !

L’ART DE LA TRANSITION

En passant à une prise d’appui avant-pied, on sollicite donc le corps différemment. C’est pour cela que l’on parle de transition. Effectivement, les masses musculaires sont mises en jeu différemment. Les mollets sont l’un des principaux acteurs de cette foulée, mais pas seulement. On développe donc un corps différent selon la technique que l’on emploie. Deux techniques différentes, deux corps différents ! Un élément clé puisque passer d’un corps à l’autre ne se fait pas en un claquement de doigts. Heureusement pour nous, le corps s’adapte aux efforts auxquels il est soumis, je ne parle pas ici de l’accélération du rythme cardiaque durant l’effort mais du renforcement progressif du système musculaire, tendineux et osseux face à une stimulation régulière. La structure se renforce pour être adaptée aux contraintes auxquelles elle est soumise. Comprenez qu’un marathonien pratiquant le marathon depuis plus de vingt ans possède un corps structurellement différent du novice qui débute la course à pied. Ses muscles, ses tendons, sa charpente osseuse se sont adaptés progressivement pour supporter les contraintes liées à cette pratique sportive.

UN CORPS SE CONSTRUIT DANS LA DURÉE

Des muscles, des tendons et des os plus résistants, plus denses, façonnés par le geste technique répétitif et les contraintes. Vous viendrait-il à l’idée d’aller courir un marathon alors que vous courez seulement depuis une semaine ? Vous me direz que certains l’ont fait… mais dans quel état l’ont-ils fi ni, si toutefois ils sont parvenus à atteindre la ligne d’arrivée. Un corps se construit dans la durée. Cela nous amène donc directement à la notion de transition évoquée. Un temps de transition pour passer d’une technique de course à l’autre afin de laisser le temps à l’organisme de se renforcer pour pouvoir supporter cette nouvelle localisation des contraintes. Ce n’est donc pas parce que vous êtes coureur talon de longue date que vous serez à même de courir avant-pied. Il faut considérer la course avant-pied comme une nouvelle discipline sportive.

ALORS COMMENT FAIRE ?

Pour cela, vous allez incorporer dans vos entraînements des séances spécifiques dédiées à la course avant-pied qui vont renforcer votre corps et vous permettre d’acquérir le geste technique qui, vous l’avez compris, diffère totalement. Cela commence par l’acquisition du déroulé du pied qui ne s’effectue plus du talon vers l’avant-pied mais de l’avant-pied vers le talon, avant de repartir vers l’avant du pied ; il s’opère un aller-retour. Pour ressentir et acquérir ce déroulé du pied, il suffi t, pieds nus, de marcher sur place. Spontanément, à chaque pas, vous venez prendre appui à partir de l’arche antérieure du pied, la partie qui est à la base de vos orteils. Puis vos orteils s’abaissent pour venir au contact du sol et, simultanément, vous contrôlez la descente du talon jusqu’à ce qu’il vienne effleurer le sol. Cette première phase du déroulé du pas correspond à la phase d’amortissement mais c’est également durant cette phase que l’on met sous tension le mollet tel un ressort.

On emmagasine au sein du mollet ce que l’on nomme l’énergie potentielle élastique qui s’ajoutera à la contraction lors de la phase de propulsion, dynamisant comme nous l’avons précédemment évoqué la foulée. Durant cette seconde phase, le talon décolle au fur et à mesure que le pied pivote autour de l’arche antérieure en appui, jusqu’à ce qu’elle décolle à son tour suivie des orteils qui quittent le sol en dernier. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la part technique du geste s’acquiert chez soi, au calme, en marchant et courant sur place. Ainsi, vous serez en mesure d’acquérir toutes les subtilités liées à cette technique de prise d’appui et serez à même de la mettre en pratique plus facilement à l’extérieur.

CETTE COURSE AVANT-PIED EST-ELLE ADAPTÉE À TOUT LE MONDE ?

Lorsque l’on a compris qu’il faut considérer cela comme une autre discipline sportive, que les contraintes s’appliquent différemment, que le corps se renforce progressivement face à un entraînement, et que cela nécessite donc un temps d’adaptation… Alors, en dehors de toute pathologie ou malformation, pourquoi ne le serait-elle pas ? Au regard de tout ce que nous avons évoqué jusqu’à maintenant, je souhaite poser une question aux lecteurs : quelle technique de prise d’appui devrait-on enseigner à l’école ? Une question que je pose depuis plusieurs années mais qui trouve difficilement un écho dans les institutions où l’apprentissage de la course à pied se résume à l’endurance et la vitesse et occulte tous les paramètres techniques. C’est pourquoi je propose de tester cette technique de prise d’appui afin d’en ressentir les effets.

UNE DERNIÈRE QUESTION, QUELLES CHAUSSURES UTILISER ? DROP OU PAS DROP ?

Très bonne question ! Permettez-moi cette légère digression, les chaussures comportant un amorti talon ne laisseraient-elles pas croire finalement que notre organisme ne serait pas adapté à la pratique de la course à pied… ou que la course talon serait délétère pour notre organisme puisqu’elle ne pourrait être pratiquée « sainement » que chaussée de chaussures comportant un amorti au niveau du talon ? Dernière remarque, si l’on nous vend aujourd’hui des chaussures dites pour la foulée naturelle, comment se nomme l’autre type de foulée ? Artificielle ? Lorsque l’on passe à une foulée avant-pied, l’amorti au niveau du talon devient inutile, voire encombrant. Encombrant car, quel que soit le drop (différence de hauteur entre le talon et l’avant-pied), il nous empêche de descendre le talon pour qu’il vienne effleurer le sol. Cette descente du talon est déterminante lors de la transition car elle permet de diminuer les contraintes qui s’exercent au niveau du pied, du tendon d’Achille, du mollet… Pour comprendre cela, faites le test suivant : courez sur place en maintenant les talons haut puis en les laissant descendre, vous devriez ressentir que le niveau de contraintes qui s’exerce au sein de la jambe diffère nettement. De plus, la présence d’un talon au niveau de la chaussure favorise l’attaque talon ! Placez votre pied à l’horizontale et vous vous apercevrez que le talon de la chaussure est la partie la plus proche du sol. D’où l’intérêt des chaussures zéro drop, que je conseille pour acquérir cette gestuelle.

Par ailleurs, la qualité de la foulée dépend également de la perception que l’on a de notre prise d’appui. Plus vous placez une semelle épaisse sous le pied, plus vous endormez vos sensations. Il suffit de regarder l’Homonculus sensitif, un mot charmant soit dit en passant, pour se rendre compte que nos pieds possèdent énormément de capteurs sensoriels sous la plante, comparativement au reste de la jambe. Le pied nous renseigne sur la qualité du sol sur lequel on prend appui (dureté, température, humidité…) mais également sur la qualité de notre prise d’appui. Le feed-back dépend de la finesse de la chaussure, d’où l’intérêt des chaussures minimalistes, tout en sachant que passer d’une chaussure rigide à une chaussure souple demande également un temps d’adaptation car le pied doit retrouver progressivement sa mobilité, sa souplesse. Pour cela, commencez par marcher à la maison pieds nus et avant-pied !

Reste alors à tester cette technique de prise d’appui en commençant par acquérir le geste chez soi en réalisant ces différents exercices http://bit.ly/foulée.

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