Fred Brigaud | Ultramag | Oct. 2017
Le vélo dans la pratique du Trail, Utile ou Superflu ? Regards croisés sur cet outil qu’est le vélo ; Germain Grangier, Marion Maneglia, Etienne Loisel et Camille Verrier, tous coureurs avant-pied, partagent leur expérience, leur ressenti sur l’apport du vélo de route et du VTT dans la pratique du Trail.
Volume et récupération – Germain Grangier
‘’Le vélo est un outil de volume ou de récupération. Il permet de continuer à s’entrainer en limitant le stress mécanique que l’on applique au système ostéo-articulaire.’’ nous explique-t-il. Ainsi le lendemain d’une sortie Trail il peut enchainer avec 5h de vélo en étant moins dans la souffrance. Il effectue des sorties de 2h (au maximum 4h30) une à deux fois par semaine selon son planning, à une vitesse de 30km/h sur le plat sans se mettre dans le rouge. ‘’Je suis sous le premier seuil ventilatoire, aux alentours de 155 de pulsation me concernant’’.
Natif des Deux-Alpes, dernièrement vainqueur de la 6000D, il a pratiqué le ski alpin jusqu’à l’âge de 13 ans avant de déménager sur la côte d’Azur et intégrer à 16 ans un sport étude pour pratiquer dans un premier temps le VTT puis le vélo de route comme il nous l’explique. ‘’Etant grisé par la vitesse je me suis mis au vélo de route une fois en terminale (DN2 puis en DN1 à Aix).’’ Malheureusement il s’est très vite blessé, développant une endofibrose iliaque c’est-à-dire une sténose progressive de l’artère iliaque au niveau du bassin en raison de l’importante flexion de hanche dans la pratique du vélo. ‘’On a découvert cela lors d’un test simulant l’effort intense à vélo à l’hôpital. J’avais un débit sanguin plus faible au niveau du pied droit. Cela se traduisait par une grosse crampe dans la jambe. On m’a proposé un pontage, c’est-à-dire une chirurgie sur les artères… A 20 ans je me suis dit : change de sport et continue tes études’’. Depuis, il ne pratique plus le vélo de la même façon, c’est devenu un outil d’entrainement efficace où il profite davantage du moment présent. ‘’Avant j’étais dans le vélo pour le vélo, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Maintenant je regarde le paysage !’’ dit-il avec le sourire.
Germain Grangier
De son point de vue, le vélo est utile dans le Trail classique pour :
- Développer l’Endurance et la Puissance dans les parties montantes au-delà de 20% de pente. En dessous de 20% il faut posséder davantage de qualité de coureur.
- Ajouter du Volume dans ses entrainements. ‘’Certains coureurs font 50% Trail/ 50% vélo car il est assez compliqué d’ajouter du volume seulement en course à pied en raison des contraintes mécaniques. Dans ce cas, il est important de compléter avec un travail excentrique en descente car le vélo produit une contraction seulement concentrique’’, précise-t-il.
- Développer de la Puissance en alternant force et vélocité: gros braquet (10’), petit braquet (10’).
- Travailler les intervalles avec un capteur de puissance (1’/1’) qui indique instantanément la puissance développée par chaque jambe lors de la poussée. ‘’Le capteur de puissance permet de travailler avec une valeur fixe. Un travail bénéfique lors des ascensions longues en Trail et notamment dans le KV’’ indique-t-il. Ses années de vélo lui ont permis de développer beaucoup de force le dos fléchi, posture qu’il adopte en KV dans les parties raides.
- La Récupération afin de mobiliser l’appareil musculo-squelettique sans contraintes en limitant le stress mécanique, le vélo étant un sport porté.
- Le Retour de blessure. Le vélo permet de faire facilement du volume suite à une blessure (entorse/fracture, lire ‘’63 jours pour revenir à la compétition après une fracture du pied’’ )
De la danseuse au Kv il n’y a qu’un pas – Etienne Loisel
‘’Moins je faisais de vélo moins j’étais performant en Kv ! Pas au niveau cardiaque mais au niveau de la puissance musculaire’’, nous raconte Etienne Loisel, 26 ans, AMM à l’UCPA d’Argentière (Accompagnateur Moyenne Montagne). Après 13 ans de football qui ont inscrit en lui une musculature particulière, il a pratiqué le vélo en compétition pendant trois années. Durant ces années, il effectuait 3 entrainements par semaine qui combinaient des sorties longues le week-end, entre 100 et 150km avec des petits cols chambériens de 7km à 5%, une sortie à thème en semaine (fractionné, intervalle), et une sortie VTT ‘’Wild’’ en montagne. Une pratique régulière qui a remodelé son corps et développé des capacités physiques et techniques spécifiques.
Etienne Loisel
‘’En parallèle du vélo je pratiquais le kv, période durant laquelle j’ai réalisé mes meilleurs chronos. Dès que j’ai arrêté la compétition en vélo, il y a maintenant 3 ans, je ne suis plus parvenu à atteindre de nouveau mes meilleurs temps en kv !’’ nous explique-t-il. Pour lui, il s’opère un réel transfert entre les deux disciplines. ‘’Le vélo est bénéfique pour développer notamment de la puissance’’. Cependant selon la position adoptée, en danseuse ou assis sur la selle, le travail s’effectue différemment. ‘’En danseuse je développe globalement de la puissance, c’est-à-dire dans l’ensemble des jambes, alors qu’assis sur la selle je développe surtout le cardio, moulinant davantage.’’ Des deux techniques, la danseuse se rapproche le plus, selon son ressenti, de l’effort produit en kv. Cependant, comme il nous l’explique : ‘’La danseuse est une technique qu’il est difficile de maintenir car on s’emploie fortement. Le groupe musculaire qui me fait arrêter la danseuse est le quadriceps, c’est le premier qui se met en rupture. Les autres groupes musculaires, dont les mollets, ne me posent pas de problème.’’
Chaque personne, au fil des sports pratiqués et des entrainements, personnalise ses aptitudes et par conséquence développe une dynamique corporelle qui lui est propre, singulière. Ces différences, ces subtilités influencent et déterminent directement les transferts qui s’opèrent d’une discipline à une autre.
‘’Dans les cols j’arrivais à fréquencer (haute fréquence de pédalage) pour emmener le vélo, jusqu’au moment où la pente m’obligeait à me mettre en danseuse. Une technique dans laquelle j’étais à l’aise et qui me permettait durant mes années de compétition de grimper rapidement les cols’’ nous précise-t-il. Une notion qu’il retrouve dans la pratique du Trail au travers de la cadence (ppm/pas par minute) qui est un paramètre d’efficacité et de réactivité des appuis sur un terrain technique aussi bien en montée qu’en descente.
Développer de la force pour les descentes – Camille Verrier
‘’La descente, c’est un vrai moment de plaisir en Trail. Dans les terrains très techniques tu vas plus vite en courant qu’en vélo ! Je m’amuse avec le terrain en passant d’un caillou à l’autre, d’un talus à l’autre. Tu as l’impression de voler en descente !!’’. Ancien skieur alpin polyvalent (slalom, géant, super G, descente) il a toujours aimé les descentes que cela soit en ski, en VTT ou en Trail.
Pour lui, le vélo est un moyen efficace pour s’entrainer ‘’dans le long sans l’aspect traumatisant du Trail’’, mais également pour développer la force. ‘’Quand je pratiquais le ski alpin en compétition, pour développer de la force dans les jambes on pédalait sur le plat sans mouliner, assis sur la selle, avec un gros braquet et en montagne en danseuse, toujours sans mouliner, mais avec un plus petit braquet’’. Un travail en force auquel il combinait un travail en vélocité en montée ou sur du plat en moulinant à l’aide d’un plus petit braquet pour développer la puissance musculaire. ‘’Je sentais que l’on sollicitait vraiment les quadriceps avec un gros braquet et davantage le cardio dans la vélocité’’, nous explique-t-il.
Il s’opère un réel transfert d’une discipline à une autre : ‘’je gagne en force et en puissance musculaire ! Cela m’aide beaucoup dans les montées mais également en descente. Je garde justement ce travail sur le vélo pour maintenir dans le Trail de la force et de la puissance dans mes jambes. Je roule essentiellement avec un gros braquet et davantage assis sur la selle. Si je ne pédale pas durant une longue période je sens que les descentes sont plus traumatisantes et j’ai de nouveau mal aux cuisses.’’ Durant la saison été, il réalise ce qu’il nomme des rappels, des séances intenses, une à deux fois par semaine, de deux à trois heures, durant lesquelles il fait ‘’monter le cœur’’ car c’est un de ses points faibles nous confie-t-il. L’automne, il roule davantage, effectuant des sorties longues allant jusqu’à 7h pour gagner en masse musculaire et prévenir les blessures liées à la pratique du ski alpin, Camille est moniteur de ski.
Parallèlement il pratique le VTT mais, comme il nous le dit, ‘’le problème c’est qu’il n’est pas possible de faire 7h de VTT… Le VTT cross country est trop coûteux physiquement pour dépasser ¾ d’heure, donc difficile de faire des sorties longues.’’. Une activité qui lui permet de développer le cardio tout en produisant des efforts variés. ‘’En VTT on passe de la force à la puissance et à la vitesse très rapidement, cela s’enchaîne, on ne roule pas pendant une heure de la même façon. Cela se rapproche de la pratique du Trail, tu as toujours besoin d’adapter ta pratique au terrain’’. Les apports ne s’arrêtent pas là. ‘’En descente, avec la vitesse, il y a une notion de lecture de trajectoire que l’on retrouve dans la pratique du Trail. Plus tu souhaites aller vite, plus il faut analyser rapidement le terrain, anticiper. On l’acquiert également avec le VTT’’.
Gainage et qualité des appuis – Marion Manéglia
Championne du Monde de relais en Ski-Alpinisme, 2015 (Verbier – Suisse), AMM et Traileuse, Marion approuve les différents intérêts évoqués jusqu’à présent (pas d’impact dans la pratique du vélo, travail de la force,…). Toutefois elle insiste sur l’importance d’apprendre à ‘’pédaler rond’’ sans à coup si l’on souhaite développer efficacement et de façon harmonieuse l’ensemble de la musculature de la jambe. ‘’Tu vas apprendre à griffer la pédale et à effectuer un déroulé de la cheville afin d’être capable d’employer simultanément les deux jambes et ainsi pouvoir pousser avec l’une et tirer avec l’autre’’, nous explique-t-elle.
Pour travailler la force, la vitesse, la puissance, la cadence, le cardio,… et l’agilité elle pratique le VTT type cross country, car le rythme change régulièrement, des séances qu’elle compare au fartlek (séance d’entraînement en pleine nature sur des sentiers variés qui alterne des phases anaérobies et aérobies). Elle perçoit que le VTT cross country développe également le gainage de l’ensemble du corps lors des descentes, puisqu’il faut maintenir une contraction isométrique alors que les contraintes fluctuent en intensité et changent rapidement d’orientation au rythme du terrain. ‘’En descente il faut être le plus souple possible tout en maintenant sa posture. Cela développe la tonicité de l’ensemble du corps car tu dois en permanence rattraper des déséquilibres. Cela me donne de la qualité dans les appuis en Trail. Par ailleurs, en descente, que cela soit en ski de fond, en VTT, en rando, ou en Trail… tu recherches toujours cette position au-dessus des appuis, tu cherches à engager !’’ ajoute-t-elle. Pour Marion comme pour Camille le VTT cross country complète à la perfection la pratique du Trail. Reste à pratiquer pour en ressentir les bénéfices !
Que retenir
- La pratique du vélo est un véritable atout pour le Traileur pour ajouter du volume tout en limitant le stress mécanique, développer la force, la puissance, la cadence, et l’endurance dans la pratique du Trail. Un atout également pour la récupération et le retour de blessure afin de mobiliser le corps tout en limitant les contraintes.
- Les montées et les descentes en Trail s’en trouvent facilitées.
- Le VTT cross country, en plus d’enchaîner toutes les composantes lors d’une même séance, développe également le gainage et la lecture du terrain.
- L’importance de la part technique dans la pratique du vélo et du VTT. Il faut apprendre à pédaler mais également à utiliser le bon braquet, la bonne technique et la bonne gestuelle selon ce que l’on souhaite développer, mais également lever la tête du guidon et apprécier le paysage comme le souligne Germain.
- Savoir diversifier et orienter ses pratiques sportives, le tout Trail n’est pas forcément la solution.
Pour aller plus loin
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- Crédits Photo (Germain grangier) : Cyril Mas | ATBC