Entetrien (Unrated version) – Ostéomag – Janvier 2015
Frédéric Brigaud, ostéopathe de formation, est auteur de « La course à pied – Posture, Biomécanique, Performance » dans lequel il décrit son concept d’empilement articulaire dynamique appliqué à la course. Il se définit aujourd’hui « consultant en biomécanique humaine » et nous présente sa prise en charge du coureur et son intérêt pour un travail actif d’éducation et de rééducation posturale et de correction de la gestuelle dans le mouvement. de la course à pied.
Vous vous êtes éloigné de la prise en charge ostéopathique classique, pourquoi?
Ostéopathe auprès de sportifs de haut niveau, je me suis aperçu assez rapidement dans ma pratique qu’une prise en charge ostéopathique passive et la correction des dysfonctions articulaires sur table palliaient seulement pour un temps les déséquilibres articulaires et posturaux responsables d’une grande majorité des pathologies chez le sportif, sans les corriger réellement.
Dans le cas de la course à pied, le problème est une question de fond. Peu de personnes à ma connaissance ont conscience de l’importance de la part technique de cette discipline ; Pourtant il est possible et même parfois nécessaire de faire évoluer la gestuelle. C’est pourquoi, depuis plus de 18 ans, je propose une prise en charge active basée sur l’analyse du geste et de la biomécanique, pour ne pas dire de la biodynamique, qui en découle. A partir de cela il va être possible de faire évoluer toute gestuelle. En règle générale, lorsque l’on veut progresser en course à pied, on cherche surtout à développer les capacités physiologiques, il suffit pour cela de regarder les magazines de running qui proposent surtout des plans d’entrainement. Or, on s’aperçoit en consultation que de nombreux patients ont des défauts de posture de course en lien avec les pathologies pour lesquelles ils consultent. Peu de personnes ont conscience qu’en modifiant la gestuelle il est possible de corriger par exemple un pied pronateur sans avoir recours à des chaussures ou semelles correctrices (en dehors de toutes pathologies ou malformations).
Quelles sont les attentes des sportifs qui vous consultent et quel type de relations mettez-vous en place ?
Les personnes viennent me consulter pour faire évaluer leur gestuelle (la façon dont ils orchestrent leur corps dans le mouvement), pour savoir vers quoi il leur est possible de tendre, puis pour développer les capacités physiques et biomécaniques nécessaires qui leur permettront de faire évoluer leur façon de courir, leur « démarche », dans un souci d’efficience et de préservation. Cette approche responsabilise la personne et favorise l’autogestion ; elle ne se pose pas sur la table en attendant de recevoir un traitement, elle travaille pour elle-même et prend conscience qu’elle peut être responsable de ses propres maux.
Quels sont les points spécifiques que vous mettez en place avec un sportif de haut niveau ou en tout cas avec un compétiteur ?
Il ne suffit pas de développer ses capacités physiques pour être performant et rester loin des blessures. Il faut aussi bien souvent réapprendre le geste spécifique à la course. Changer profondément la biomécanique d’un geste prend du temps, entre 6 mois et trois ans. Le sportif doit donc bien différencier les temps de travail à visée posturo-dynamique avec son entraînement classique. Il doit savoir aussi que le changement va se faire de lui-même mais très progressivement.
En quoi consiste une séance de rééducation posturo-dynamique ?
– Nous devons aborder l’individu dans sa globalité, connaître ses habitudes de vie, ses postures, ses gestes répétitifs, bien au-delà de sa pratique sportive.
– Mettre en relief les déficits posturaux dans les différentes activités du patient tout en sachant qu’il n’a qu’un corps et que celui-ci fait le lien entre toutes ses gestuelles.
– Une analyse rapide de la posture en statique, puis approfondie en dynamique dans la marche, dans la course ; tout en gardant en mémoire que l’analyse débute réellement en moyenne après dix minutes de course, la personne développant alors davantage la gestuelle qu’il a automatisée.
– Mon attention se porte sur l’ensemble du corps, passant en revue chaque partie mais également la façon dont les différents segments s’orchestrent, que cela soit durant la phase d’appui ou la phase de suspension. Par exemple : le balancement des bras, l’orientation des pieds et le type de prise d’appui…
Comment évolue la conduite des appuis quand les contraintes augmentent ?
Les déficits posturaux augmentent avec les contraintes et la fatigue. Dès lors, les coureurs peuvent faire fonctionner certaines articulations à la limite de leur physiologie jusqu’à l’apparition de blessures. Cependant, des exercices spécifiques donnent les moyens au coureur de faire évoluer ceci.
Quelles expériences ont permis de mettre en place ce protocole, cette approche ?
En qualité d’ostéopathe, j’ai eu l’opportunité de travailler dès mes premières années avec des athlètes évoluant en coupe du monde que cela soit en ski alpin, en ski de fond, en ski de bosse ou encore en snowboard. Assez rapidement je suis passé d’un traitement curatif à un traitement préventif avec une visite tous les mois ce qui m’a permis de me rendre compte que bon nombre de « pathologies » revenaient malgré mon arsenal thérapeutique.
J’ai décidé alors d’observer et de filmer les skieurs à l’entraînement. J’ai pu ainsi corréler progressivement les pathologies et/ou les douleurs que je retrouvais en cabinet avec la gestuelle qu’ils déployaient. Je constatais alors que les lésions primaires, si chères à l’ostéopathie, dépendaient de la gestuelle du sportif, bien loin de ce que l’on nous avait enseigné et de notre champ d’action. Ce n’était plus à nous de mobiliser le patient pour effectuer un diagnostic ou un traitement mais au patient de se mobiliser ! C’est pourquoi la prise de conscience par le sportif de son propre mode de fonctionnement associée à la pratique d’exercices dynamiques devenait essentielle.
Pouvez-vous nous donner un exemple de test actif révélateur d’un empilement articulaire dynamique dysfonctionnel ?
Un simple test de flexion/extension unipodal avec les bras croisés, mains sur les épaules, révèle assez facilement des défauts d’alignement qui, si le test est réalisé correctement, se retrouveront dans des activités plus complexes comme la course. Un test simple, rapide, qui donne un premier aperçu de la dynamique du patient. Il suffit ensuite de faire prendre conscience au sportif qu’il a la capacité de moduler cet empilement, aussi bien dans ce test que dans la pratique de la course à pied, lui montrant finalement son champ des possibles ; ce que je nomme la variabilité posturale, qui est propre à chaque individu.
En résumé, qu’est-ce qui différencie votre approche de celle de l’ostéopathie dans son concept ?
L’ostéopathie ne m’a pas permis de comprendre, entre autre, la genèse des déséquilibres articulaires du sportif, contrairement à l’analyse de la gestuelle. Durant mes études d’ ostéopathie, j’ai appris que tant qu’il y avait une bonne mobilité il fallait laisser le patient dans son déséquilibre, c’est probablement par méconnaissance que j’entends encore ce précepte aujourd’hui. Même si cela peut sembler simpliste, nous n’avons aucun mal à dire à un enfant qui ne se tient pas droit « redresse-toi ! », je fais en quelque sorte la même chose mais avec l’ensemble du corps, le tout est de savoir comment. Cela requière de l’investissement, c’est du temps, de la précision, de la régularité et de la répétition. C’est tout simplement comprendre, respecter et maitriser son corps.
Les chaussures minimalistes et la course « bare foot » sont une grande tendance actuelle. Quel est votre avis sur ces tendances, que faut-il savoir ?
La course à pied avec des chaussures minimalistes ou pieds nus requière une prise d’appui avant-pied, cependant il faut avoir conscience que cela met en œuvre une toute autre biomécanique et que l’on ne peut en tant qu’adulte passer du jour au lendemain d’une prise d’appui talon à une prise d’appui avant-pied. Cela nécessite un temps d’adaptation du corps. Ces tendances sont positives car elles changent la façon d’aborder la course à pied et pousse à la réflexion. Elles amènent une autre question : Quelle technique de course enseigner à l’école et dans les clubs sportifs ?
Y a t-il des disciplines de course plus concernées que d’autres par votre travail?
Non, elles sont toutes concernées et mon approche est assez semblable quelque soit la discipline. Par ailleurs, les coureurs viennent me voir également pour leur donner les moyens de passer progressivement à une prise d’appui avant-pied. Et comme je le disais précédemment cela nécessite un temps d’adaptation car la biomécanique développée est très différente et le corps n’est pas encore adapté/habitué à cette gestuelle. Dans le sport, toutes disciplines confondues, ce temps d’adaptation varie en fonction de la discipline pratiquée, de l’âge,… quoiqu’il en soit la transition globale du corps nécessite en moyenne trois ans.
Y a t-il des différences majeures entre la prise en charge d’un sportif de haut niveau ou un sportif amateur ?
Aussi surprenant que cela puisse paraitre ce n’est pas forcément dans le haut niveau que les adaptations sont les plus rapides, cela dépend de l’implication de la personne et de sa capacité à maitriser son corps ; une question de conscience corporelle, une capacité que la personne a plus ou moins développée. Il y a des sportifs loisirs qui s’entrainent plus de 20 heures par semaine, c’est pour moi un sportif de haut niveau, même s’il n’en a pas l’étiquette.
Pour aller plus loin
- Tester et passer à une foulée avant-pied !
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