Pose ton avant-pied et tais-toi !

Ultra Mag – Sept|Oct 2013
Par Frédéric Brigaud.

Les chaussures de course à pied amortissent de mieux en mieux, c’est super. Par contre, elles modifient notre perception des chocs, et ça, c’est pas super. Elles nous incitent « à l’insu de notre plein gré » à courir sur les talons, avec une fausse impression de confort. Bien utilisé, la prise d’appui avant-pied permet d’enclencher un formidable système d’amortissement, et d’efficacité, adapté à tous les types de terrains, à toutes les allures, à tous les niveaux de pratique.

Talons ou pointes ? Non, ce n’est pas un nouveau pas de danse country, juste la question existentielle du jour. Pour la plupart d’entre nous, la réponse va se résumer à essayer de courir le plus naturellement possible, et de s’en contenter. Et pourtant, nous allons voir que notre foulée est en grande partie conditionnée par des facteurs externes, comme les chaussures, qui n’ont rien à voir avec la nature. Il faut donc apprendre, ou désapprendre, pour parvenir à conduire notre corps, nos jambes, nos pieds, pour que l’ensemble soit le plus économe et le plus efficace possible.

MILLE ET UNE GESTUELLES 

Nous sommes tous des bipèdes, et la course à pied nous caractérise. À tel point d’ail- leurs qu’elle est devenue au fil du temps une discipline sportive à part entière, voire même un art de vivre. Born to run (Né pour courir), titre du best seller de Christopher McDougall, fait partie de ces expressions consacrées insinuant que nous sommes faits, formatés, conçus, pour courir. Voilà une vision qui a, et va continuer à complexer des générations de coureuses et cou- reurs en proie constante avec l’inconfort de cette pratique. Alors disons pour les rassurer que le corps humain serait plutôt « adapté pour courir ». Il suffit donc de voir s’il est possible de mettre en œuvre une gestuelle particulière, d’inspecter notre champ de possibles, de prendre en compte nos limitations personnelles, pour commencer à comprendre, enfin, ce qu’il pourrait éventuellement y avoir de « naturel » à courir.

Mais avant de fendre la bise à l’instinct, il faut rationnaliser. Vous le faites déjà lorsque vous pensez au circuit que vous êtes en train de parcourir, quand vous vous hydratez, ou quand vous consultez votre cardio-fréquencemètre. Savez-vous en revanche placer votre attention dans vos mouvements de bras, de jambes, à votre technique de prise d’appui, à la durée de l’appui, au positionne- ment de votre centre de gravité par rapport à cet appui ? Car, ce qui est formidable, c’est que pour un même objectif, courir 10 km par exemple, il y a mille et une gestuelles possibles. Là où un coureur aguerri adaptera sa technique à toutes les situations, toutes les allures, tous les types de terrains, un autre devra réfléchir, comprendre, car à aucun moment notre corps ne nous dira qu’il faut repositionner nos bras, changer notre prise d’appui car on risque la blessure, ni allonger notre foulée pour être plus efficace…

Lorsque vous courez, tout est possible, dans une certaine mesure. Vous pouvez courir avec le dos voûté, une épaule plus basse que l’autre, un balancement des bras asynchrone, des appuis différents… Le percevez-vous pour autant ? Probablement pas puisque cela fait partie de vos automatismes, de votre schéma corporel acquis. Prenez dix coureurs d’un niveau moyen, et vous aurez probablement dix gestuelles différentes, et pourtant tous parcourront les dix kilomètres, et dans le cadre d’une course l’un d’eux arrivera régulièrement premier. Devons-nous alors prendre sa gestuelle comme référence ? Certainement pas car la victoire est plurifactorielle. Voilà à quoi nous nous heurtons lorsque l’on commence à vouloir orienter notre gestuelle : le choix du bon référentiel.

LE TEST  DU TALON

Chacun d’entre nous va devoir se poser la question de la prise d’appui, c’est-à- dire de la pose du pied. On en revient à la danse country du début : talon ou pointe ?  Le pied doit-il atterrir au sol sur l’avant, à plat, ou sur le talon ? Soyons pragma- tiques. Il existe un test simple qui donne les moyens de ressentir les répercussions mécaniques des différentes techniques de prise d’appui. Pieds nus, sur du carrelage, effectuez une succession de petits sauts sur place. Spontanément vous vous réception- nez sur l’avant-pied pour amortir l’impact. Maintenant essayez d’enchaîner des petits bonds sur place en vous réceptionnant sur les talons ; le simple fait d’y penser vous
rend réticent à le faire. Rien d’étonnant à cela car votre capacité d’amortissement est nettement moindre. Vous devez déployer une toute autre stratégie si vous souhaitez limiter l’impact, une stratégie coûteuse en énergie, tandis que la prise d’appui avant- pied s’effectue aisément et sans fatigue particulière en jouant sur l’élasticité.

Réalisez de nouveau le test mais cette fois- ci après avoir chaussé des chaussures de running classiques, c’est-à-dire comportant des semelles amortissantes notamment au niveau du talon. Subitement vous n’avez plus aucune difficulté pour prendre appui au niveau du talon puisque la chaussure protège votre pied du sol. Vous ressentez un peu de compression dans le talon à chaque prise d’appui mais rien qui ne soit intolérable. C’est même devenu confortable.

Cependant, si vous vous concentrez sur l’impact, vous devriez vous rendre compte que cette chaussure vous permet d’être  « plus dur » lors de la prise d’appui, tout simplement parce que les capteurs sensoriels localisés dans les articulations réagissent différemment de ceux localisés au niveau de votre plante de pieds. La pression à chaque prise d’appui est perçue différemment alors même que l’onde de choc est plus importante, impactant plus fortement l’ensemble du corps en se propageant dans celui-ci.

Réalisez de nouveau le test, pieds nus, sur le sable humide de la plage ou sur la surface que l’on trouve autour des aires de jeu des enfants. De nouveau, dans une certaine mesure, la prise d’appui talon est rendue possible car le sol remplit une fonction amortissante identique à celle de la chaussure. Pourquoi ce troi- sième test ? Tout simplement pour vous faire prendre conscience que, de la même façon, le matériel que vous portez ou le sol sur lequel vous courez peut influencer votre comporte- ment et donc la gestuelle que vous déployez. De ces différents tests nous déduisons que la chaussure de running classique amortis- sante permet une prise d’appui talon, altère la perception et la gestion de l’impact et met en œuvre une biomécanique moins efficiente, plus coûteuse énergétiquement.

PRENDS TON AVANT-PIED 

Pouvons-nous courir avec une prise d’appui talon ? La réponse est oui si l’on porte des chaussures amortissantes. Sommes-nous pour autant adaptés pour courir avec une prise d’appui talon ? La réponse est globalement non, même s’il est possible de courir avec une prise d’appui talon dans du sable. Pour quel type de prise d’appui sommes- nous le plus adapté biomécaniquement ? Une prise d’appui avant-pied.

Cependant la prise d’appui avant-pied ne se résume pas à décoller le talon : on ne peut du jour au lendemain passer d’une prise d’appui talon à une prise d’appui avant- pied. La biomécanique mise en œuvre est particulière, la répartition et la localisation des tensions au sein de notre organisme sont différentes ; c’est un geste technique à part entière qui nécessite un apprentissage et un temps d’adaptation

QUE NOUS APPREND CET ARTICLE ?
  • L’être humain n’est pas « né pour courir » mais adapté à la course à pied.
  • Il existe autant de gestuelles de course que de coureurs.
  • Trouver la bonne gestuelle passe par l’analyse et la rationalisation.
  • La biomécanique montre que la pose sur l’avant-pied est plus efficace.
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