Frédéric Brigaud.
Entretien réalisé par Philippe Vogel
Runner’s World n°53 mai 2015
Courir plus efficacement en améliorant sa foulée et en modifiant durablement sa posture ? C’est possible et même facile, grâce à une nouvelle méthode d’analyse et de correction posturale.
Imaginez votre corps séparé verticalement en deux parties distinctes: le côté droit et le côté gauche. Lorsque nous courons sur un parcours plat, nous sommes censés reproduire spontanément des mouvements et une gestuelle parfaitement symétrique des deux côtés. «Mais en fait ce n’est presque jamais le cas», explique l’auteur de cette nouvelle méthode de correction des appuis. «Le balancement des bras, le pivotement du tronc, le temps de contact au sol entre le pied droit et le pied gauche sont rarement équivalents», ajoute Frédéric Brigaud, ostéopathe et spécialiste en biomécanique. Et à la longue, tous ces déséquilibres inconscients mais réguliers peuvent être source de blessures. La somme de toutes ces postures (épaule plus haute, tronc plus ou moins incliné ou tête penchée) pas toujours idéales pour le corps peut également influer sur les pressions au sein des différentes articulations, la symétrie des appuis et les tensions entre les différents muscles. Tous ces éléments sont souvent occultés alors qu’ils impactent pourtant l’organisme et le rendement du coureur, «ils jouent un rôle prédominant dans l’efficacité du geste et dans la recherche de la meilleure posture possible».
Apprendre à se corriger naturellement
Vous avez probablement remarqué que dès que nous évoquons la posture, nous avons tendance à nous relever spontanément, ce qui laisse deviner que nous n’étions pas très droits au départ… Ce phénomène nous montre qu’il existe une réelle différence entre être réellement droit, et faire l’effort de se réaligner, «la posture et la gestuelle automatisée sont deux éléments intimement liés et résultent de notre passé traumatique et sportif», complète notre expert, ostéopathe spécialisé, «tous ces gestes répétitifs du quotidien modèlent progressivement notre corps au fur-et-à-mesure des années». Pour résumer notre corps ne serait finalement que le résultat de ce que l’on lui fait subir, et rien ne nous garantit que notre posture habituelle soit forcément la plus optimale. Finalement, une posture dite « naturelle », n’est bien souvent qu’une vue subjective et ne constitue pas une référence fiable.
Testez-vous
Pour mieux comprendre l’impact d’un défaut de posture en course à pied, vous allez faire un test très simple. En maintenant votre tronc incliné du côté droit, essayez de courir en cercle dans un rayon de 10 m, d’abord dans le sens horaire puis dans l’autre sens. «Vous allez vite remarquer qu’il est nécessaire de produire d’avantage d’effort dans un sens plutôt que dans l’autre». Ce petit exercice, durant lequel on change brutalement sa posture de course, permet de prendre conscience de l’importance de la posture sur l’efficacité du geste technique et donc sur le cout énergétique supplémentaire induit par une gestuelle inadaptée. Tous ces petits désagréments que nous percevons plus d’un côté que de l’autre, ne sont en fait que les conséquences pratiques de tous nos défauts et de nos différents déficits posturaux. Ceux-ci s’exacerbant encore plus avec la fatigue due à l’effort. Il faut bien garder en mémoire que le moindre défaut ou déficit aura forcément un impact plus on moins grand sur l’efficacité de la gestuelle de course, et malheureusement nous n’en avons que rarement conscience.
Restez conscient
Mais rassurez-vous, après les mauvaises nouvelles arrivent toujours les solutions, car corriger le tir est relativement facile. Pour cela, il suffit d’arriver à prendre conscience de la posture que nous avons développée au fil des années en course à pied. Cette posture qui nous parait aujourd’hui si naturelle, n’est en fait que la conséquence de notre passé et de nos (mauvaises) habitudes quotidiennes. Oui mais alors comment faire pour prendre conscience de tout cela et arriver à corriger nos défauts ? Rien de plus simple, il vous suffit d’utiliser votre smartphone. Commencez par vous filmer de face (en posant l’appareil face à vous), puis de profil. Une fois l’enregistrement terminé, posez-vous et regardez-vous tranquillement en train de courir. Le résultat est largement modifiable à condition de connaître bien-sûr la posture la plus efficace à acquérir. Ce travail peut être entrepris avec un spécialiste, mais beaucoup de modifications et d’améliorations peuvent être comprises et mises en place seul C’est l’un des objectifs de cette nouvelle approche, donner les moyens aux coureurs de corriger par eux-mêmes leur foulée grâce à des exercices vidéo simples et efficaces.
Agir et maitriser
Il ne s’agit pas de changer radicalement sa posture, mais plutôt de la faire évoluer pour tendre vers plus d’efficacité. Pour cela, commençons par les pieds, car leur maintien est très souvent délaissé au seul profit de chaussures dites correctrices ou stabilisatrices. Alors qu’au contraire nous pourrions tous reprendre très facilement le contrôle de nos pieds. Pour finir de vous rassurer, dites-vous qu’un déficit de posture ou de maintien au niveau du pied, qui se traduit souvent par « un effondrement de celui-ci vers l’intérieur (pied pronateur), n’est pas plus complexe à résoudre que le défaut de posture courant de l’enfant qui se tient le dos voûté » fait-il remarquer. Et pour corriger un pied pronateur, en dehors de toutes pathologies, la semelle orthopédique n’est pas indispensable, bien au contraire. Un simple travail pieds-nus associé à une prise d’appui avant-pied donne les moyens de corriger rapidement ce déficit postural et de développer ainsi des appuis dynamiques, et par conséquence une foulée active. Tout simplement car la technologie n’est pas dans la chaussure mais bien en chacun d’entre nous. Vous l’avez compris avoir des pieds pronateurs ou supinateurs n’est pas une fatalité, c’est surtout un défaut postural que l’on peut tout-à-fait corriger. Une simple question d’habitude, on vous le disait
Trois question à Frédéric Brigaud
Fred Brigaud est consultant en biomécanique humaine et sportive et Ostéopathe.DO de formation, auprès de sportifs de haut niveau. Il a notamment analysé la stratégie biomécanique de Cristiano Ronaldo, et expliqué comment il utilisait le haut du corps pour accélérer ses dribbles. Phénomène extrapolable à la course à pied.
Pourquoi courir sur l’avant du pied ?
D’un point de vu biomécanique la prise d’appui sur l’avant-pied apporte beaucoup plus d’avantages qu’une prise d’appui sur le talon. Il faut bien comprendre que le pied n’est pas un bloc rigide, bien au contraire. L’avant-pied est mobile par rapport à l’arrière-pied et inversement. En appui avant-pied, le talon légèrement décollé, le talon se déplace latéralement par rapport à l’avant-pied en fonction de l’orientation de la jambe. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité, le pied change de forme, l’arche interne se creuse ou s’aplatit en un instant rendant caduque la notion de « maintien de l’arche interne » puisque la forme de l’arche doit pouvoir varier en permanence au gré des appuis que l’on produit… La prise d’appui avant-pied permet ainsi à la jambe de devenir une charnière, une interface neutralisatrice entre le sol et le reste de la jambe, un élément de jonction, source d’efficacité et de préservation. Ce qui n’est plus le cas une fois le talon posé au sol.
Finalement, qu’est-ce que cela change ?
La gestion de la force de réaction au sol est plus efficace avec une prise d’appui avant-pied qu’avec une prise d’appui sur le talon. Faites simplement le test pour vous en convaincre. Debout et pieds nus, bondissez sur place. Vous allez remarquer que vous prenez spontanément appui par l’avant-pied, non pas par les orteils mais par la tête des métatarsiens (à la base des orteils). Elément important car courir avant-pied, c’est courir en prenant appui à ce niveau et non pas au niveau des orteils comme on pourrait le penser. Maintenant forcez-vous à atterrir par les talons, subitement les contraintes supportées par votre corps sont plus importantes et très inconfortables. Si vous persistez, vous chercherez à limiter l’impact, c’est-à-dire à contrôler au maximum l’amortissement. Pour cela vous devrez déployer une gestuelle coûteuse en énergie sans jamais parvenir à une efficacité semblable à une prise d’appui avant-pied. C’est exactement le même processus en course à pied. La prise d’appui avant-pied permet un meilleur contrôle de la force de réaction au sol.
Comment passer sur cette technique d’avant-pied
Il faut savoir que la prise d’appui avant-pied est un geste technique qui nécessite un temps d’apprentissage et d’adaptation. Cette technique sollicite différemment notre corps à commencer par les mollets, c’est pourquoi on parle de transition. Le passage d’une prise d’appui talon à une prise d’appui avant-pied ne s’effectue instantanément, mais ne nécessite pas pour autant d’arrêter de courir sur le talon. Il suffit tout simplement de compléter ses entrainements avec un travail spécifique chez soi et en extérieur, ce qui renforcera progressivement votre corps et développera votre technique. Au bout de quelques séances, vous réussirez à courir avec une prise d’appui avant-pied. C’est donc un travail à entreprendre en parallèle qui ne nécessite pas d’arrêt de la course. On ne force pas mais on complète, on améliore et on renforce, jusqu’au moment où il sera possible de courir un marathon.
Le pied en vidéo
Visualisez le déplacement du talon par rapport à l’avant-pied, et l’évolution instantanée de la forme de l’arche interne du pied. Vous allez voir, le pied n’est pas un bloc rigide loin de là
Pour aller plus loin
- Tester et passer à une foulée avant-pied !
Plan d’entrainement simplifié
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