»Qualité de pied » et biomécanique – La foulée idéale !

Joggeur Magazine #18 Mars/avril 2016
Entretien – Frédéric Brigaud

Qu’est-ce qui définit une foulée parfaite ? Et surtout, comment prendre conscience si notre propre gestuelle va dans le sens d’un rendement optimal ? Frédéric Brigaud, spécialiste dans le management du geste technique, nous répond.

On parle de foulée idéale comme d’un mythe. D’un point de vue biomécanique, qu’est-ce qui caractérise la foulée idéale ? Quel est ton point de vue ?

Justement, changeons de point de vue, car à trop regarder le coureur de profil nous oublions qu’il n’est en rien comparable à un hiéroglyphe égyptien. La foulée idéale ne se résume pas seulement à une analyse de profil. Le coureur peut développer une gestuelle technique qui semble efficace de profil mais totalement désastreuse vue de face… Encore faut-il savoir où porter son regard ! Je vous propose d’analyser le devenir des jambes en appui à chaque foulée.

Notre jambe se compose de plusieurs articulations et, dans ce cadre, nous nous intéresserons à la hanche, au genou, à la cheville, et à l’articulation sous-talienne qui est moins connue mais pourtant essentielle et que nous avions évoquée dans un précédent article. Cette articulation permet d’orienter le pied vers l’intérieur ou l’extérieur par rapport au tibia. Faites le test suivant pour percevoir de nouveau celle-ci : En position assise, la jambe droite croisée sur la jambe gauche, le pied droit pendant en dehors de la cuisse gauche, orientez alternativement la plante du pied vers le plafond (inversion), puis vers le sol (éversion). Debout, en appui, talon au sol, vous mobilisez également cette articulation lorsque vous ‘’basculez/cassez’’ la cheville vers l’intérieur ou l’extérieur. L’articulation sous-talienne (De son vrai nom talo-calcanéo-naviculaire) n’est pas visible, à l’inverse de la cheville qui se situe juste au-dessus d’elle. Nous porterons donc notre regard sur l’évolution du positionnement de la cheville, du genou et de la hanche.

A chaque appui, de face, la jambe peut être plus ou moins rectiligne. Lorsqu’elle forme un empilement parfait depuis le talon jusqu’à la hanche (hanche, genou, cheville, sous-talienne) les articulations se positionnent sur un axe passant par la hanche et le bord inférieur du talon (fig.1) correspondant à l’axe EAD (Empilement Articulaire Dynamique).

La foulée idéale c’est donc également une question d’empilement ?

Oui, car l’efficacité de l’appui à chaque foulée dépend de la capacité du coureur à maintenir l’ensemble des articulations sur cet axe. L’absence de bascule du pied vers l’intérieur, qui est l’un des défauts techniques le plus courant (encore appelé pied pronateur dont nous avons parlé dans un précédent entretien), et l’absence de rentrée de genou sont des conditions sine qua none à cet empilement parfait. Je parle volontairement de défauts techniques, à l’image d’un coureur qui balancerait un bras plus que l’autre ou oscillerait de la tête à chaque foulée par exemple. Des défauts techniques qui, s’ils ne sont pas l’expression d’une pathologie, d’une malformation traumatique ou congénitale, peuvent être corrigés. Comprenez que si suite à un accident vous avez perdu de l’amplitude de mouvement dans un bras, il sera difficile voire impossible de produire un balancement symétrique. Mais si par contre cette asymétrie provient d’un mauvais apprentissage alors vous pourrez en reprendre le contrôle. Ceci est valable pour l’ensemble du corps.

Il faut savoir qu’une bascule du pied vers l’intérieur alors que le talon est au sol désorganise la jambe, c’est-à-dire modifie le positionnement de la cheville et du genou. Faites le test suivant pour visualiser ce phénomène. Pieds nus et en short, placez-vous face à un miroir, en légère fente, pied droit devant. Le pied droit est perpendiculaire au miroir comme sur le dessin. A partir de cette position, amenez le genou droit vers l’intérieur sans décoller le pied du sol. Maintenez cette position et observez la jambe dans le miroir. Elle n’est plus rectiligne mais prend la forme d’une ligne brisée en deux endroits (fig.2): au niveau du genou et juste en dessous de la cheville, au niveau de l’articulation sous-talienne que l’on devine mais qui n’est pas visible. Notez que c’est à partir d’une certaine amplitude de mouvement que la cheville se déporte vers l’intérieur.

Maintenant ramenez le genou afin de le positionner de nouveau sur l’axe EAD que nous avons précédemment défini. Placez votre main droite au niveau de votre hanche droite et amenez successivement votre genou vers l’intérieur et l’extérieur. Vous devriez ressentir votre ‘’hanche’’ rouler sous votre main. Ce n’est pas le genou qui contrôle le degré d’empilement de votre jambe mais la hanche, ainsi que l’articulation sous-talienne comme nous allons le voir. Vous pouvez donc coller toutes les électrodes que vous souhaitez sur votre cuisse au niveau du vaste interne ou externe mais à aucun moment le développement des masses musculaires à ce niveau ne rectifiera le degré d’empilement de votre jambe… Revenez à la position de départ du test et cette fois-ci cassez alternativement votre cheville vers l’intérieur puis vers l’extérieur en mobilisant l’articulation sous-talienne. Un exercice un peu plus difficile mais qui avec la pratique vient assez facilement. Vous observez que le genou se déplace également vers l’intérieur et l’extérieur au rythme de la bascule de la cheville. Donc deux articulations contrôlent la stabilité, l’équilibre et l’organisation de l’appui, la hanche d’un côté et l’articulation sous-talienne de l’autre.

Spontanément notre jambe peut être plus ou moins bien empilée 

Effectivement, rien ne garanti une configuration optimale. Ce simple test permet également de visualiser la majorité des configurations que peut prendre la jambe en appui. C’est-à-dire les différentes postures possibles autour d’un même appui. Possible ne veut pas dire optimale ! Nous parlerons alors de variabilité posturale. De fait, comme je le disais à l’instant, rien ne nous garantit de réaliser spontanément une gestuelle optimale. Celle que nous développons se situe parmi ce champs du possible et est la conséquence pour ne pas dire l’expression de notre passé (sportif, traumatique, …). Sans action consciente notre gestuelle est le fruit du hasard. Reste à nous d’en prendre le contrôle car la course comme toute discipline sportive est un geste technique qui nécessite d’être compris et appris.

Où se situe l’efficacité ?

Des deux configurations de la jambe, empilée ou non empilée, la première est mécaniquement la plus efficace et la moins contraignante. Elle préserve davantage l’intégrité de l’articulation du genou en ne lui appliquant aucune torsion. Cet empilement détermine également l’équilibre et la stabilité du bassin. Une absence de contrôle de l’articulation sous-talienne ou de la hanche a pour conséquence de déséquilibrer le coureur et de générer des mouvements compensatoires coûteux énergétiquement. Il faut savoir également qu’une jambe présentant un déficit d’EAD est plus courte que ce qu’elle peut être. En réalisant de nouveau le test vous devriez percevoir ce ‘’raccourcissement’’ de la jambe chaque fois que vous amenez le genou vers l’intérieur. Dès lors, un coureur présentant un déficit d’EAD d’un seul côté présentera par conséquence une boiterie, son corps oscillera davantage du côté de la jambe présentant ce déficit d’empilement. Le fait de placer une ‘’cale’’ ne règlera en rien le déficit d’empilement il compensera seulement pour un temps la boiterie.

Comment peut-on analyser sa gestuelle ?

Muni de votre Smartphone placez-vous sur une ligne droite, la caméra à hauteur du bassin et filmez les coureurs qui viennent vers vous. Une fois ceci fait, visionnez les vidéos au ralenti et observez les jambes des coureurs. Vous découvrirez alors que peu de coureurs développent un empilement parfait, même certains marathoniens de renom. Ils ont un potentiel qu’ils ignorent !

La gestuelle développée est souvent très approximative et donc perfectible. Peu de coureurs savent courir car ils n’ont jamais appris. Une connaissance de ces mécanismes associée à un apprentissage technique précis donne les moyens au coureur de développer une prise d’appui efficace. Pour mettre en lumière toute l’importance de ces notions d’empilement articulaire dynamique, faisons un parallèle avec les buteurs en rugby, et portons notre regard notamment sur Wilkinson, l’ancien joueur de Toulon et international anglais. Prenez le temps de parcourir sur Internet des clichés de lui en train de buter, vous aurez plaisir à voir une jambe parfaitement empilée, sa jambe reste organisée sous la contrainte ! Car là aussi, et comme dans toutes les disciplines sportives requérant des appuis au sol, cette notion est essentielle si l’on souhaite être efficace [‘’le secret des buteurs’’, Fred Brigaud, Ovale magazine, sept/oct 2015].

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