Pour s’améliorer en descente la course ne suffit pas – Germain Grangier

Pour s’améliorer en descente la course ne suffit pas
Ultramag – Par Frédéric Brigaud.

ENTRETIEN – TRAIL-RUNNING | GERMAIN GRANGIER EN FIN DE SAISON
GERMAIN GRANGIER TERMINE LA SAISON 2015-2016 EN REMPORTANT LA GARMIN MOURNES SKYLINE MTR FINALE DU CIRCUIT SKYRUNNING UK EN IRLANDE (35 KM ET 3500 M D+).

C’est dans un café au cœur de Paris que nous nous retrouvons pour parler de la saison passée et à venir, de l’orientation de son travail et de toute l’importance qu’il porte au repos entre deux saisons comme il nous l’explique : « Je m’impose un arrêt complet d’un mois. Un arrêt complet physique et mental, mais pas intellectuel car je continue à réfléchir et à parler avec les gens qui m’entourent », dit-il avec le sourire. « Une coupure afin de me régénérer car je conçois le sport comme sport santé » précise-t-il songeant à ceux qui se ruinent la santé dans la pratique du sport. Il insiste en disant qu’il a une vision à long terme et non pas jour après jour, course après course. « Je veux perdurer. Je fais cette coupure d’un mois depuis maintenant près de 5 ans. » Alors qu’autour de lui les autres coureurs s’arrêtent généralement une semaine, 15 jours mais guère plus. « J’ai vraiment besoin de cette coupure pour faire autre chose, voir autre chose, pour retrouver de l’envie et de la motivation » nous explique-t-il. À l’inverse de ce que l’on pourrait croire au premier abord, il ne repart pas à zéro ou affaibli, bien au contraire….

Une reprise progressive jusqu’aux premières courses

« Après un mois de coupure la reprise va être tranquille, je pratique la marche et la randonnée pour commencer. Le tout très doucement au feeling et dans les pulsations. C’est de l’éveil corporel durant un mois. Je me remets doucement en marche. Cela n’aurait vraiment aucun sens si je forçais après un mois de coupure ! » indique-t-il. Il n’a pas envie de brûler les étapes « Je les ai tellement brûlées avant dans tous les sports que j’ai pratiqués que cela soit en vélo ou à pied car je reprenais vraiment trop vite, trop fort et j’avais rapidement des douleurs de type périostites, tendinopathies… Je reprenais la course sur route très tôt alors qu’il faisait froid. Je cumulais les contraintes. Une reprise trop rapide, trop intense, à des températures faibles sur un sol extrêmement dur alors que mon organisme n’était pas encore prêt ! » explique Germain. Un ensemble de facteurs qui favorise l’apparition de pathologies de surentrainement dues à un stress mécanique trop élevé, et inadapté aux capacités du moment de l’organisme. « Je remarquais également que cette reprise trop rapide sur un mois entraînait un gros coup de fatigue en milieu de saison dans lequel je sombrais et dont j’avais du mal à ressortir. Maintenant je préfère une progression linéaire qui m’évite ces coups de fatigue et ces blessures. »

À chaque saison son sport

L’hiver il pratique essentiellement le ski de randonnée auquel il ajoute des séances de course à pied sur le plat. « Une course lente, en ligne, avec de faibles contraintes. Je cherche à pratiquer les sports de saison qui sont très complémentaires à la pratique du trail, puis le ski que j’ai commencé avant d’apprendre à marcher, c’est une passion qui ne m’a jamais quitté. Par contre s‘il fait très mauvais, je vais faire des activités indoor comme de la natation, de l’escalade ou un petit peu de musculation. »

« Afin de clore cette période de reprise et de préparation je participe à un 10 km sur route au mois de février, puis à la Pierra Menta et au Trail du Ventoux. 46 km, 3 à 4 h de course, qui fait partie de mon entrainement, l’aspect convivial dans ce trail est très important car l’ensemble des coureurs se retrouvent. Je n’y vais pas pour espérer être performant sachant que j’ai globalement peu de volume kilomètrique à pied dans les jambes à ce moment-là », précise-t-il. Un calendrier qui s’intensifie au fil des mois avec une période clé août/septembre/octobre et des objectifs bien précis. « Cette année je poursuis le circuit Skyrunning, avec quelques manches de coupe du monde de Skyrunning et une participation à la CCC (100 km) durant l’UTMB. Pour préparer cette course je pars courir en Islande avec Julien Jorro, un acolyte musicien, quelques semaines avant. » Une montée progressive qui repose également sur un travail de fond technique.

Quand l’inattendu éveille les capacités

« Depuis 3 ans je sens une réelle progression d’année en année en prenant soin de travailler mes points faibles plutôt que mes points forts. » Dernièrement Germain a axé son travail sur la descente où il sentait qu’il avait une marge de progression très importante. Pour cela il travaille la lecture du terrain, la lucidité, orchestrant ses sorties et ses entrainements d’une certaine manière comme il nous l’explique. « Avec mon coach et ami, Nicolas Lebrun d’Organicoach (une vision du coaching par le naturel), on a mis en place une typologie d’exercices. Je cours lentement les premières descentes afin de contrôler au maximum la gestuelle et travailler ma pose de pieds. Au fur et à mesure de la sortie, avec la fatigue, j’accélère ma course en descente ce qui m’oblige à travailler avec encore plus de lucidité, à augmenter ma concentration pour garder davantage le contrôle. Ceci me permet de devenir beaucoup plus précis malgré la fatigue. Par ailleurs, je ne fais jamais le même parcours. » Des parcours qu’il choisit de façon aléatoire afin de travailler non pas la connaissance du terrain mais l’inattendu, le contraignant à davantage de lucidité, de contrôle, ce qui augmente sa réactivité et sa capacité d’adaptation. Lorsqu’il accélère ce n’est donc pas sur une partie qu’il a déjà parcourue mais sur une partie qui lui est totalement inconnue et qui va lui demander encore plus de concentration.

Pour s’améliorer en descente la course ne suffit pas

« On entend souvent dire que pour s’améliorer en descente il faut faire de la descente, mais ce n’est pas suffisant », dit-il. Depuis l’année dernière il a osé changer de technique de prise d’appui passant d’une prise d’appui talon à une prise d’appui avant-pied. Modifiant ainsi totalement sa dynamique corporelle qui lui permet d’employer un bras de levier supplémentaire, le pied, lors de la phase d’amortissement et d’augmenter sa réactivité. Parallèlement à ce changement de technique de prise d’appui il travaille spécifiquement l’Empilement Articulaire en Dynamique. « Je ne pensais vraiment pas que les exercices posturo-dynamiques que l’on fait ensemble (exercices alliant posture et mouvement – Empilement Articulaire Dynamique™EADconcept) allaient me permettre d’améliorer ma course en descente, d’augmenter mon griffé. Cela m’a vraiment énormément aidé ! Avec ces exercices spécifiques au niveau du pied on remarque que pour s’améliorer en descente il faut d’abord être capable de gérer ses prises d’appui », précise-t-il. « En développant de la subtilité au niveau des appuis, on gagne en efficacité, et cette efficacité nous permet de courir beaucoup plus vite en descente. On court ainsi davantage avec ses pieds qu’avec ses cuisses. Cette capacité de dissocier le pied de l’ensemble genou/hanche est pour moi essentielle. Avant, je ne percevais qu’un aspect musculaire global et cette part technique du geste n’existait pas. Maintenant j’ai un joker supplémentaire que je n’avais pas auparavant. Je bénéficie d’une relance et d’une réactivité que je n’avais pas. La gestion de la descente du talon me permet d’avoir un amorti qui allège le travail des cuisses. Je les économise réellement dans la descente, et ce que j’ai économisé je le dépense dans la montée suivante ! » affirme-t-il.

La maitrise du déroulement du geste est un élément essentiel qui devient un facteur d’efficacité mais également un référentiel. Un référentiel qui permet de diminuer immédiatement l’allure en cas de perte de contrôle dans un souci de préservation du corps.


Développer de la qualité de pied
Un pied fonctionnel assure une jonction efficace avec le sol et optimise la prise d’appui, il s’accompagne d’un meilleur maintien de la « cheville » et participe ainsi à la prévention des entorses. De plus, il augmente la marge de manœuvre en cas de déséquilibre et permet de développer un appui plus dynamique.
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Le corps un tout indissociable

Il ne suffit pas de courir avec ses pieds encore faut-il savoir employer les bras comme il nous l’explique : « J’utilise beaucoup mes bras pour alléger mes appuis. Lorsque je vois une pierre plate glissante, le fait d’alléger mes appuis en mobilisant mes bras me permet de produire un appui très bref et ainsi de ne pas glisser. Beaucoup de trailers courent avec les bras le long du corps en descente. J’essaie de faire l’inverse, je n’hésite pas à m’en servir car ce sont de réels stabilisateurs. Je n’hésite pas même à les placer au-dessus de la tête si besoin pour augmenter l’effet bras de levier et être encore plus efficace. » (T’as tort si tu t’en balances )

Garder la même allure !

Lorsqu’on lui parle d’allure c’est avec un sourire malicieux qu’il insiste sur l’aspect perception. « En course tu pars doucement et à la fin tu as l’impression d’accélérer, mais en réalité tu cours toujours à la même vitesse. Au fil de la course tu peux doubler de plus en plus de personnes parce qu’ils sont fatigués et non parce que tu cours plus vite. J’ai accéléré ! Non, non tu n’as pas accéléré tu as juste réussi à maintenir ton allure ! »

Pour aller plus loin

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