Effet papillon : Les petits riens qui vous mettent en travers

Par Frédéric Brigaud.
Ultramag – Mars/avril 2014
L’effet papillon invoque la conséquence d’un infime battement d’aile de papillon sur la météorologie à l’autre bout de la planète. Dans le corps humain c’est pareil : écouter de la musique peut vous filer des tendinites !

« Pas de bras, pas de chocolat » : l’ex- pression a été remise au goût du jour grâce au film Intouchables. On peut la transposer à la course à pied puisque les bras, en plus d’une action stabilisatrice et équilibrante, participent activement à la propulsion… s’ils sont correctement employés. Ce qui n’est pas toujours le cas.

VOTRE MP3  NE VOUS VEUT PAS QUE DU BIEN

Pour commencer je vous suggère de devenir observateur pendant quelque temps. Posez- vous sur un banc le long d’un parcours habituellement arpenté par de nombreux coureurs et observez, si possible de face, leur gestuelle, et plus particulièrement la gestuelle de ceux qui écoutent de la musique. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en fonction de l’endroit où ils fixent leur smartphone ou leur baladeur sur le bras, le balancement de celui-ci change plus ou moins.
Certains tiennent leur appareil dans la main tandis que d’autres le portent au bras à l’aide d’un brassard. Dans l’un ou l’autre des cas le balancement du bras du côté du téléphone diminue, pas en fréquence mais en amplitude. L’impact, sur l’amplitude du mouvement, augmente avec le poids du téléphone et la distance qui le sépare du centre du mouvement. Dès lors, un coureur ayant pris l’habitude de courir en musique et portant son télé- phone ou baladeur toujours au même bras reproduit à chaque sortie la même mécanique, la même gestuelle, jusqu’à l’automatiser. Processus totalement inconscient.
Demandez à un coureur musical de retirer son brassard sans lui dire pourquoi et vous pourrez observer que le balancement de son bras n’en reste pas moins altéré comparativement à l’autre côté.

POURQUOI TU COURS DE TRAVERS ?

Ce balancement limité du bras sera compensé soit par un balancement accru de l’autre bras, soit par une rotation du buste plus importante, car le mouvement des jambes doit nécessairement être contrebalancé. Il apparaît alors une asymétrie dans la gestuelle alors que l’efficience du geste dans la course à pied tend vers un mouvement symétrique. Cela lui donne un style, une démarche, une façon de courir qui, associée à son gabarit, vous permet de le ou la reconnaître de loin.
Ce coureur aura ainsi automatisé cette gestuelle compensatoire, sans prise de conscience d’une quelconque asymétrie et donc sans prise de conscience de l’impact de son smartphone sur sa gestuelle.

La conséquence de cette asymétrie se situe généralement à distance du bras concerné, par exemple au niveau des cervicales ou au niveau de l’épaule opposée. Gardez en tête que votre gestuelle comporte proba- blement une multitude de compensations qui s’ajoutent, se combinent les unes aux autres, sans vous empêcher d’avancer pour autant. Mais pour combien de temps et jusqu’à quel point ?
N’avez-vous pas remarqué ces sportifs qui pendant des années semblent ne jamais être blessés et qui subitement enchaînent les blessures, sans notion de choc ou trau- matisme direct ? Tout simplement parce que leur organisme n’est plus à même de com- penser. Il leur faut alors prendre le temps de se reconstruire lorsque c’est encore possible.

LE NATUREL,  C’EST VICIEUX

Revenons-en à nos bras : vous effectuez au- tant de balancements des bras que de pas. Si vous courez à 180 pas par minute, soit 10 800 pas à l’heure alors vous effectuez 10 800 balancements des bras. 10 800 ! De quoi solliciter le système musculaire et induire un développement particulier de celui-ci, correspondant au mouvement qui est mis en œuvre. La façon dont vous courez façonne votre corps, dit autrement la morphologie de votre corps est la conséquence de votre gestuelle. Si la gestuelle est asymétrique, votre corps le sera également et vous ne ferez, sans action consciente et volontaire, qu’entretenir cette asymétrie, pouvant lais- ser croire à une gestuelle naturelle, en ce sens qu’elle vient spontanément, sans effort conscient, sans réflexion.

C’est assez vicieux car votre mètre étalon est biaisé. Ainsi les coureurs ne souhaitent pas se départir de ce « naturel » (ainsi défini) car dès qu’ils en changent cela crée des tensions au niveau de leur corps, tensions qu’ils n’ont pas l’habitude de ressentir. Demandez au joggeur habitué à courir avec son téléphone collé au bras de le retirer et de produire un balancement similaire des deux bras, il vous dira probablement que cela lui demande un effort, de la concentration, que ce n’est pas « naturel ». Le fait de corriger le geste n’est pas naturel ? Mais cela provient de son téléphone ! Où est le naturel dans ce cas ?

C’est là, me semble-t-il, que la sémantique est essentielle, et pourtant je peux être le premier à me prendre les pieds dedans. Le geste naturel, dans ce cadre, n’existe pas, il n’est que l’expression de vos automatismes et ceux-ci peuvent générer une gestuelle plus ou moins physiologique, plus ou moins symétrique, plus ou moins efficiente… ainsi de suite.

LE DIABLE SE CACHE DANS LES DÉTAILS

Cependant il n’est pas nécessaire de porter son téléphone au bras pour développer une gestuelle asymétrique. En fonction de votre passé sportif et traumatique vous présentez  spontanément une certaine gestuelle qui est susceptible d’évoluer à tout instant, ne serait-ce, comme nous venons de l’expliquer, qu’en prenant un téléphone dans la main. Si vous avez du mal à concevoir qu’un balancement asymétrique des bras puisse altérer l’efficience de votre gestuelle et impacter votre organisme, qu’en est-il alors d’une reprise précoce après une blessure mal soignée ? Vous vous êtes fait une entorse de la cheville, elle est encore douloureuse lorsque vous reprenez, vous obligeant consciemment à adapter votre gestuelle en allégeant le poids exercé sur cette jambe pour éviter de ressentir la douleur… jusqu’au moment où cette adaptation s’automatise et fait partie intégrante de votre gestuelle.

Notre corps peut rapidement devenir un champ de compensations. Si cette possibilité de mettre en place des mécanismes compensatoires est une « force », en ce sens qu’elle nous donne une certaine marge de manœuvre nous permettant de toujours avancer, le fait de ne pas en avoir conscience et de ne pas mettre en œuvre ce qu’il faut pour rectifier cela est une faiblesse puisque chaque compensation représente un coût énergétique supplémentaire et favorise une répartition non homogène de la pression/ tension au sein du corps.
Le corps est un tout indissociable, le posi- tionnement d’une partie influence toutes les autres. Mobilisez une pièce et c’est l’ensemble qui s’adapte à ce nouveau posi- tionnement, encore mieux et plus excitant qu’un Rubik’s cube. C’est l’effet papillon !

VOULEZ-VOUS  SAVOIR CE QU’IL Y A SOUS LE CAPOT ?

D’où l’intérêt de prendre le temps d’obser- ver sa gestuelle, son évolution dans le temps et de savoir vers quoi il est possible de tendre. Filmez de face le balancement de vos bras, est-il symétrique ? Non, alors pourquoi ne pas essayer de le rendre symé- trique en travaillant devant un miroir par exemple ? Un très bon ami m’a dit un jour que pour vendre une voiture aujourd’hui on ne soulève plus le capot pour montrer le moteur car peu de personnes sont en mesure de comprendre le fonctionnement du moteur et l’absence de maîtrise de ses mécanismes par l’acheteur peut faire capoter la vente. Ici le moteur c’est votre corps, alors voici la question qui se pose : souhaitez-vous mieux appréhender le fonctionnement de votre « moteur » ou seulement vous en servir ? Être passif face à un problème technique ou être conscient du jeu des possibles ? Avoir une opinion lorsque vous passez chez le garagiste ou laisser le hasard et la nécessité vous guider ?

Notre organisme nous permet de fonctionner de façon très approximative pendant de longues périodes grâce aux multiples compensations. Ce laps de temps, à une époque reculée où l’espérance de vie ne dépassait guère 30 ans, était largement suffisant pour assurer la descendance et la survie de l’espèce. Mais aujourd’hui, ces longues périodes se raccourcissent comme peau de chagrin avec une pratique intense, longue, et régulière de la course. Le grain de sable qui mettait une vie pour enrayer la machine agit plus rapidement avec la pratique du sport de manière intensive. Ce n’est pas la survie de l’espèce qui est en jeu mais la survivance de votre architecture.

Que vous apprend cet article
  • Le corps n’a pas de conscience il faut penser pour lui
  • Notre corps permet une gestuelle approximative pouvant nous éloigner d’un rendement optimal
  • L’analyse de la gestuelle est de son évolution est utile
  • La compréhension du fonctionnement du corps est à la base de toute activité
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