Courir minimaliste ou pas ?

Courir minimaliste ou pas ? (Unrated version)
Par Frédéric Brigaud, consultant en biomécanique humaine et sportive, ostéopathe DO, auteur du Guide de la foulée avec prise d’appui avant-pied
Novembre 2015 – hs / Runner’s world n°56

Le barefoot ne se résume pas à se déchausser et le minimalisme à changer de chaussures avant de partir courir. Cela nécessite avant tout, pour la majorité des coureurs, un changement de technique de prise d’appui mais, comme nous le verrons, pas seulement.

Courir barefoot ou minimaliste

devrait être considéré comme une nouvelle discipline. Et comme dans toute nouvelle discipline il est nécessaire d’acquérir un savoir faire et de construire progressivement le corps qui lui correspond, sans quoi les blessures ne tarderont pas à venir. En tant que novice on se doit de prendre en considération plusieurs éléments : la technique de prise d’appui habituellement employée et celle que l’on va devoir mettre en œuvre (apprentissage technique), mais également la qualité du déroulement du geste, son exécution, qui détermine pour une grande part les contraintes qui s’appliquent à l’organisme. Sans oublier son passé sportif, puisqu’en fonction des disciplines pratiquées le corps se sera construit différemment ; la pratique du vélo ne construit pas le corps de la même façon que la pratique du tennis, tout comme les coureurs de marathon ont un physique différent des coureurs de Trail. Il faut prendre en considération également la surface sur laquelle on court (sable, sentier stabilisé, bitume) qui, selon sa dureté et son élasticité, ne requiert pas le même niveau d’exigence.

Le premier élément à comprendre, pour ne pas dire à accepter, est donc que l’on doit courir différemment ! Dès lors, sans un minimum de connaissances et la mise en place d’un travail préparatoire technique, on risque de réaliser une gestuelle très éloignée de celle recherchée et, de fait, impacter fortement l’organisme.

Changer de technique c’est changer de corps !

Le passage d’une prise d’appui talon à une prise d’appui avant-pied entraine une évolution pour ne pas dire une révolution. Rappelons que le corps se construit en fonction du geste technique sportif que l’on déploie, des contraintes auxquelles il est soumis. La technique de prise d’appui avant-pied sollicite différemment les muscles de la jambe, les mollets sont davantage sollicités et les quadriceps nettement moins que chez un coureur talon. Deux techniques, deux corps*.

Les différentes contraintes

Par ailleurs, les contraintes ne s’appliquent pas aux mêmes endroits sous le pied et ne se répartissent pas de la manière dans le reste du corps. L’avant-pied est davantage sollicité, que ce soit au niveau de ses pièces osseuses ou de ses éléments tendineux, puisqu’il gère les trois temps de la foulée ; prise d’appui, conduite et propulsion. Dès lors, un coureur talon qui passe du jour au lendemain à cette technique de prise d’appui alors que son corps n’est pas encore adapté s’expose à du surentrainement, de la sur sollicitation. C’est pourquoi il est important que la transition se fasse graduellement, permettant au corps, de s’adapter, de se renforcer et de se densifier progressivement. Mais pour cela encore faut-il lui en laisser le temps. Le passage d’un corps à l’autre ne se fait pas en un claquement de doigts.

La technique

L’importance de la part technique du geste dans l’intensité et la localisation des contraintes est trop souvent ignorée. En mode barefoot ou minimaliste un défaut technique n’a pas les mêmes conséquences, il ne se répercute pas de la même façon sur le corps. Pour vous en rendre compte courez en tapant des pieds, défaut technique très commun, avec des chaussures comportant de l’amorti puis courez pieds nus. Quelques foulées suffisent pour comprendre que la course pieds nus ou minimaliste pardonne très peu les erreurs techniques. Plus vous mettez de l’amorti sous le pied plus vous pouvez courir n’importe comment, les chaussures absorbent les défauts techniques. Courir barefoot ou minimaliste nécessite d’avoir davantage de pied. Ce n’est pas une option mais une nécessité. La foulée apparaît alors comme un geste nettement plus subtil et technique que ce qu’on aurait pu croire.

Le choix du terrain

Terminons cet éventail non exhaustif des paramètres à prendre en considération lorsque l’on souhaite courir minimaliste par le choix du terrain. Plus la surface est dure, plus elle est exigeante. Les défauts techniques se répercutent directement sur le corps, nécessitant donc de maitriser le geste technique. A l’inverse, un sol tendre et souple à l’image du sable humide absorbe les défauts techniques et est de fait plus conciliant.

Des douleurs

Tendinopathie, aponévrosite plantaire, ‘’déchirure’’, fracture de fatigue…
Nous comprenons qu’il n’y a rien de surprenant qu’un coureur talon s’essayant à la course minimaliste lors d’une de ses sorties hebdomadaires sans prendre en considération les éléments que nous venons d’évoquer puisse se plaindre à son retour de douleurs localisées au niveau des muscles du mollet, du tendon d’Achille, ou encore de l’aponévrose plantaire… Faute à son ignorance !

Pourquoi courir avant-pied ?

C’est une technique qui permet de gérer efficacement la force de réaction au sol. Quelques bonds sur place avec une prise d’appui talon puis avant-pied nous permettent de ressentir l’efficacité d’un contrôle musculaire dans la gestion de l’impact grâce à la prise avant-pied et ainsi de limiter la propagation d’une onde de choc dans l’ensemble du corps, les genoux, la colonne vertébrale… Seulement si vous décidez de passer à cette technique de course, n’oubliez pas qu’il faut être très progressif et avancer pas-à-pas. N’essayez pas tout de suite de vous lancer dans un 10 km en performance. Commencez par acquérir le geste technique et laissez le temps à votre corps de s’adapter.


Acquérir le bon geste**

Le déroulement du geste est un élément essentiel, c’est que nous nommons le travail préparatoire, il s’effectue chez soi pour un maximum de sensations et développer des repères techniques. Un travail qui s’effectue pieds nus, sur une surface souple, tapis ou moquette, au cours  duquel vous allez apprendre à dérouler le geste.

1. Commencez par marcher sur place lentement, apprenez à poser l’avant-pied et à descendre le talon. Une prise d’appui qui débute au niveau de l’arche antérieure du pied (base des orteils) et qui se termine lorsque le talon vient effleurer le sol, sans se poser. L’acquisition du déroulé du pied est une étape essentielle qui permet de limiter au maximum les contraintes. Pour comprendre l’importance de cet aspect technique reproduisez cet exercice en gardant les talons haut. Vous devriez immédiatement ressentir des tensions nettement plus importantes dans le mollet et le tendon d’Achille. La qualité du déroulé du geste détermine le niveau de contraintes que vous appliquez à votre organisme.

Dans un second temps, accélérez la cadence jusqu’à courir sur place en fléchissant les hanches, c’est-à-dire en montant légèrement les genoux devant soi. Attention à la qualité du déroulé du pied ! Veillez à toujours laisser redescendre le talon jusqu’à ce qu’il vienne effleurer le sol comme précédemment travaillé.

Puis enfilez vos chaussures et recommencez les exercices toujours chez vous afin d’acquérir au travers de ces différents exercices un maximum de sensations, de finesse dans cette prise d’appui. Enfin courez avant-pied en avançant lentement dans le couloir.

Allez-y pas-à-pas

Ces différents exercices vont vous permettre d’acquérir la part technique du geste mais également commencer à renforcer votre corps. Effectuez chaque exercice trois minutes cinq jours par semaine devant un miroir afin de jauger la qualité de la gestuelle que vous mettez en œuvre (cf.vidéos http://bit.ly/foulée ). La qualité du déroulé du geste prime. Après quinze jours de ce travail ‘’indoor’’ au cours duquel vous aurez développé de la subtilité, enfilez vos chaussures minimalistes et, après avoir couru sur place quelques instants pour vous remémorer les paramètres à mettre en œuvre, courez lentement à 5/6 km/h pour limiter au maximum les contraintes. Alternez deux minutes de course à cette allure et deux minutes de marche avant-pied durant 15/20 minutes selon votre niveau. Cette première sortie devrait vous donner les moyens de prendre conscience de vos capacités et de savoir vers quoi tendre.

*  »…De fait, la biomécanique qui découle de cette gestuelle est différente et la répartition des masses musculaires chez un sportif pratiquant la course à pied avant-pied ne sera pas la même que chez un sportif attaquant le sol par le talon… », Course à pied avant pied et prévention des entorses dans la pratique du ski, Frédéric Brigaud, afesa, juin 2013.
 »La course à pied – Posture, biomécanique, performance », Frédéric Brigaud, Editions DésIris, 2013

**Exercices tirés du  »Guide de la foulée avec prise d’appui avant-pied », Frédéric Brigaud, éditions DésIris, mars 2015.

Pour aller plus loin
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