Entretien réalisé par François Quivoron – Frédéric Brigaud.
Frédéric Brigaud, consultant en biomécanique et ostéopathe auprès de sportifs de haut niveau, étudie la gestuelle de Thierry Dusautoir et note dans le jeu du capitaine du XV de France des restes de sa pratique du judo. Explications.
« Ce qui m’intéresse, c’est le geste, la posture, la biomécanique, et les stratégies biomécaniques. C’est le déroulement du geste, plus que l’action. L’action n’est que la conséquence du déroulement du geste. Ce que je regarde chez les joueurs, ce n’est pas l’action à proprement parler, mais la façon dont ils mènent l’action. Quand on regarde Thierry Dusautoir, on relève des différences par rapport à d’autres joueurs qui mènent la même action. On sent qu’il y a dans sa gestuelle des traces de son passé. Il a pratiqué le judo pendant de longues années. Si je peux utiliser cette comparaison, il y a le plaquage dans le rugby et le plaquage dans le judo. L’objectif est commun : mettre l’adversaire au sol.
Pendant un temps, Thierry a partagé simultanément rugby et judo. Et il y a eu une sorte de co-évolution entre les deux disciplines. Il est donc arrivé dans le rugby avec des acquis, des automatismes et un corps qui s’étaient construit avec la pratique du judo. Sa gestuelle est différente, par conséquence son jeu également.
« Il soulève ses adversaires comme un fétu de paille »
Si on prend une personne qui ne pratique que le rugby, elle va suivre un apprentissage technique (plaquage, rucks) qui la formate. Thierry arrive, lui, avec un bagage différent. Par exemple, dans sa façon de s’ancrer dans le sol, de plaquer, de dérouler le geste. Il arrive à faire décoller ses adversaires de manière surprenante, il les soulève comme un fétu de paille.
Des images de Thierry sont intéressantes à voir, la façon dont il lit la trajectoire de son adversaire et de s’ancrer en conséquence dans le sol. Il incline sa posture vers l’avant, puis il ouvre les bras. On a l’impression de voir un tronc d’arbre. Ne reste pour lui qu’à cueillir le joueur. Il n’y a pas que la force, il y a aussi la technique. C’est-à-dire être capable d’alléger les appuis de l’adversaire pour pouvoir le mettre en déséquilibre et le faire basculer, un vrai judoka. C’est aussi sa façon d’attraper le joueur, le grip qu’il a dans les mains, de le ceinturer et ensuite de se placer pour le faire pivoter et tomber. Tous ces éléments font de lui un joueur différent lorsqu’on le voit évoluer. »
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